Leçon de pragmatisme politique en Turquie : la table des Six (partie 1)
CONTRIBUTION / ANALYSE. Le 14 mai 2023 auront lieu les élections générales de Turquie, regroupant les élections présidentielles et législatives. Depuis son accession au pouvoir, il y a maintenant 20 ans, Recep Tayyip Erdoğan n’a jamais été autant en danger. Une situation politique dont les acteurs politiques français pourraient bien tirer des leçons.
La situation économique du pays et l’inflation démentielle qu’elle connaît depuis plusieurs années ont érodé la classe moyenne turque. Cette dernière avait émergé dans les années 2000 et avait porté Erdoğan au pouvoir. La gestion calamiteuse de la politique monétaire de la Banque centrale de Turquie avait révélé l’incompétence et l’autoritarisme du président turc et de vives critiques commençaient déjà à percer depuis plusieurs années. Pour pallier ses errements intérieurs, l’exécutif proposait une diplomatie offensive et belliqueuse, flattant le caractère nationaliste de la société turque et flattant la soif de revanche sur l’Occident d’une partie de sa base électorale. C’est en ce sens qu’il faut également interpréter la conversion de Sainte-Sophie, qui était un musée, en mosquée. Mais ces gestes symboliques et ces interventions militaires en Syrie, en Lybie et en mer Égée, ne suffisent plus à faire oublier aux ménages turcs les promesses de croissance et de développement que leur avait fait le chef de l’AKP.
Dernière banderille plantée sur le président sortant, les séismes du 6 février dernier. Avec un bilan officiel de 45 000 morts et plus de 100 milliards de dollars de dégâts matériels, l’événement est vécu comme un traumatisme par la population turque. Loin de souder le pays derrière son chef, le séisme a ouvert un torrent de critiques sur Ankara. Les membres de l’AKP et leurs proches sont directement mis en cause à plusieurs titres. D’abord, les liens du clan Erdoğan et du secteur du BTP font naître des soupçons de complaisance, voire de corruption dans l’obtention des permis de construire et du bon suivi des normes antisismiques par les constructeurs. L’Ak Saray (surnom du palais présidentiel) est également accusé d’avoir manqué de réactivité dans le déploiement des secours.
Dans ce contexte, Erdoğan ne peut plus compter sur la division de son opposition, laquelle...