Union européenneéconomie comportementale

Les ressorts psychologiques de l’inaction

OPINION. Juriste spécialiste en droit économique, Cécil Numa s’interroge sur les conditions de la liberté dans le champ politique contemporain. Il applique ici quelques outils de la psychologie cognitive et de l’économie comportementale à la thématique de l’Union européenne. Et si notre esprit était naturellement conditionné pour aller dans le sens de cette entreprise politique supranationale ?

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Les recherches en psychologie cognitive et économie comportementale alimentent peu le débat public. Pourtant, elles « montrent deux faits importants quant au fonctionnement de notre esprit : nous pouvons êtres aveugles aux évidences et inconscients de notre propre cécité. »(1) Alors, sur quels ressorts psychologiques devons-nous travailler pour prendre conscience de la nécessité de sortir de l’Union européenne (UE) ?

Raisonnement et substitution. En politique, il n’y a pas de réponse simple à une question facile. Et lorsque nous sommes confrontés à une question ardue, inconsciemment, notre cerveau a tendance à lui substituer la réponse à une question plus facile, escamotant ainsi le raisonnement. La question à laquelle l’électeur fait face (pour qui voter ?) est difficile, mais c’est bien souvent une question facile, malgré tout liée à la première (ce candidat m’inspire-t-il confiance ?) qui lui vient à l’esprit. En matière européenne, la question cible (les traités de l’UE sont-ils bénéfiques ?) est difficile, elle est donc remplacée par une question simple (l’UE est-elle une bonne chose ?).

Biais de disponibilité. La solution qui consiste à rester dans l’Union est vécue par la majorité des électeurs comme le choix normal. Être « pour » l’UE est une idée facile qui vient à l’esprit avec une grande fluidité. Peu d’arguments « contre » viennent intuitivement à l’esprit. Dévier du choix par défaut résulte d’un « acte délibéré, qui nécessite davantage de réflexion, de prise de responsabilité. »(2) Cela devrait inciter les partisans de l’UE à reconsidérer leur position vis-à-vis des eurosceptiques. Ce ne sont pas les instincts primaires qui sont à la manœuvre, c’est la quintessence du génie européen, la maïeutique, consistant à « poser des questions destinées à détruire les préjugés, les fausses croyances qui sont souvent le fait de la tradition ou de la coutume du moment. »3Karl Popper estimait en outre qu’en cas de doute, la démarche scientifique consiste à « tester la théorie. »...

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