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Mes enfants ne seront pas policiers

Le témoignage poignant d’un ancien policier. Pas de côté chargé d’émotion pour éclairer la réalité du quotidien. Sous la plume un brin mélancolique pointe une légère amertume, mais aussi la force de l’engagement et des convictions.

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Mes enfants ne seront pas policiers. C’est une prophétie hasardeuse, je le sais. Les deux rigolos concernés pourraient me faire mentir, histoire de se venger de l’homme qui leur a régulièrement imposé des haricots verts pour le dîner. Trahir son père, c’est souvent le sens de l’histoire. Disons donc, plus modestement, que je ferai tout ce que je peux pour que ça n’arrive pas.

Jeune flic, j’ai débuté dans un grand commissariat parisien. L’idée générale était de faire beaucoup avec peu, concept toujours d’actualité et pas seulement dans la Police. Il n’y avait qu’une seule voiture dans mon groupe, une AX blanche trop fatiguée pour freiner quand on lui demandait. Nous étions quatre dans un bureau grand comme une boite d’allumettes et en attendant les ordinateurs promis par l’Administration, nous tapions comme des sourds sur les touches de nos machines à écrire Olympia jusqu’à nous en faire mal aux doigts. De neuf heures à dix-neuf heures, nous baignions dans un nuage de Camel aussi délicieux que toxique. Nous étions de jeunes flics courageux et déterminés. Notre engagement était sincère parce que nous savions notre combat juste.

Beaucoup moquaient notre idéalisme béat mais c’était là tout notre honneur : nous défendions la veuve et l’orphelin, notre ambition n’était rien de moins que le triomphe du Bien sur le Mal. Les années passées sous l’uniforme ont tempéré nos ardeurs et nuancé nos certitudes. La veuve n’était pas toujours d’une blancheur immaculée et l’orphelin jouait les monte-en-l’air à l’occasion. Certains criminels étaient plus stupides que dangereux et bon nombre d’entre eux jouaient la partie avec de mauvaises cartes en main.

Quant à nous ; et bien nous dirons pudiquement que nous n’avons pas toujours été, collectivement et individuellement, à la hauteur de nos ambitions. Reste que nous avons payé le prix fort pour résoudre...

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