Port de l’abaya : entre renoncements ministériels et abandon du terrain
CONTRIBUTION / OPINION. Alors que le Conseil français du culte musulman affirme que les abayas ne sont pas un vêtement religieux, le port de ces tenues à l’école se multiplie depuis plusieurs mois, malgré la loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école. Les enseignants, eux, sont désemparés.
Directeur d’école est un drôle de métier. Je reçois mes directives de tout le monde, mais je ne suis reconnu par personne pour donner des ordres à quiconque. Pas vraiment chef, ni de l’école ni d’un établissement non reconnu comme tel, mais j’ai toutes les responsabilités inhérentes à la direction d’une équipe, à la gestion de l’école, sans avoir la moindre reconnaissance officielle de mes compétences. Alors, c’est avec la gorge sèche et les yeux ébahis que j’apprends que je suis désigné capable de reconnaître un vêtement religieux, mesures de couturière à l’appui si besoin, et bien sûr études de théologie validées d’un coup de micro et de discours ministériel.
Comment le dire sans être désobligeant ? Monsieur le Ministre, ne seriez-vous pas en train de brader la France et d’abandonner les agents de l’Éducation nationale ? Déjà de nombreuses entorses à la laïcité sont relevées chaque mois ; déjà de multiples discussions en salle des profs révèlent l’inégale défense des valeurs républicaines et les faibles connaissances religieuses des collègues ; déjà les anciens renoncements nous ont fait vaciller et ont sacrément entaché l’école de la République. Mais là, les chefs d’établissement, et sans le dire, les directeurs d’école, car le port de l’abaya nous concerne aussi, avec des élèves de dix ans qui s’y essayent parfois, nous sommes clairement cités et exposés à la vindicte musulmane, en cas de refus et d’interdiction de l’abaya, lui reconnaissant un caractère religieux ici, qu’un autre lui dénierait ailleurs, voire juste à côté.
Le méchant directeur qui assimilerait cette tenue à la religion alors qu’à côté, le gentil chef d’établissement l’accepterait en tant qu’élément culturel. La même abaya, mais pas la même école ni la même laïcité par renoncement du ministre à dire clairement la règle, à exposer le principe évident de l’égalité républicaine et...