Qui a peur de « Dara de Jasenovac » ? (Partie 2)
OPINION. En lice pour les Oscars 2021, le dernier opus du réalisateur serbe Pedrag Antonijevic jette une lumière implacable sur le génocide méconnu des Serbes, des Juifs et des Roms mené par la Croatie alliée au Reich entre 1941 et 1945. De Zagreb à Sydney en passant par Hollywood et Los Angeles, la critique virulente du film heurte aussi un révisionnisme accepté et acceptable…à gauche.
Un révisionnisme officiel…
Le scénario de Dara iz Jasenovca, signé par Nataša Drakulić, qui met en scène la dérive de la petite fille dans un camp où des prêtres psychopathes et des nonnes s’adonnent aux meurtres et aux orgies - des scènes de pur sadisme théâtralisées - ne fait que reproduire ce que fut la réalité du camp de Jasenovac. Sans surprise, le film provoque une intense polémique en Croatie : au-delà de sa dimension historique, « Dara » prend de front le révisionnisme historique promu par le « père » de l’indépendance croate Franjo Tudjman au début des années 1990, qui connaît un nouvel essor depuis la décennie 2010. Ainsi, en 2016, le réalisateur croate Jakov Sedlar produisait un documentaire Jasenovac : Istina (Jasenovac : la vérité), appuyé par le Zlatko Hasanbegović, historien, alors ministre de la Culture et idéologue du parti HDZ créé en 1989 par le premier dirigeant de la Croatie indépendante, Franjo Tudjman.
Le film reprend les lieux communs du révisionnisme croate contemporain : il divise par cinq le nombre de victimes tuées dans le camp et, à l’appui de documents grossièrement photoshopés et de faux courriers, cherche à prouver que Jasenovac a surtout été un lieu de répression… communiste. Présenté à Tel-Aviv - « dans le but d’esquiver l’accusation d’antisémitisme », selon Efraïm Zuroff, directeur du Centre Simon-Wiesenthal de Jérusalem -, le film fut néanmoins dénoncé par l’ambassadeur d’Israël en Croatie.
Malgré les critiques et une pétition internationale notamment signée par Alain Finkielkraut et Annette Wieviorka dénonçant la nomination de M. Hasanbegovic, le documentaire fut en 2016 projeté avec l’appui de ce dernier dans le cadre éducatif et, notamment, au lycée de Sisak – ville où les oustachis avaient installé un camp d’enfants - dans le cadre d’un cours d’études religieuses.
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