Venise ou l’impasse du tourisme de masse
OPINION. Pollution, uniformisation culturelle, enlaidissement, destruction… Les stigmates portés par la cité des Doges témoignent des conséquences dramatiques du tourisme de masse sur le patrimoine.
Sous un soleil de plomb, des hordes de touristes se pressent dans les quelques rues trop étroites qui bordent la place Saint-Marc. Même si depuis le 1er août 2021, la municipalité a enfin décidé de ne plus laisser les mastodontes de croisière boucher la vue sur l’île de la Giudecca, même si les touristes américains et asiatiques sont encore frileux à l’idée de revenir en Europe tant les contraintes s’accumulent, Venise regorge à nouveau de touristes.
Après la trêve du Covid où les villes se vidèrent, nous découvrîmes non sans émotion des canards se dandinant sur des trottoirs parisiens, le chant des oiseaux sur des boulevards où le bruit des pots d’échappement recouvrait habituellement tous les autres, des chèvres broutant dans des parcs espagnols. Les eaux de Venise avaient même perdu leur couleur verdâtre, mais cela fut de courte durée.
On aurait voulu croire que ce bouleversement allait rendre le tourisme de masse caduque en changeant nos habitudes, ou de manière plus prosaïque parce que les compagnies aériennes allaient devoir augmenter les prix pour survivre. Pourtant, quelques confinements et deux injections de vaccins plus tard, la vie semble reprendre son cours et les habitudes de tourisme aussi. Les compagnies à bas coût proposent des vols pour l’Italie moins chers que des trajets en train entre deux villes françaises, et dans les rues de Venise, on parle plus volontiers français ou allemand qu’italien.
Une ville hors du temps
Venise a toujours suscité un engouement particulier. La liste serait trop longue si l’on tentait d’énumérer tous les écrivains, les peintres, les sculpteurs, les poètes, les cinéastes qui se sont inspirés de cette ville. Ils y ont séjourné en quête d’inspiration, de passion, de beauté et ont laissé à la postérité de nombreux témoignages. Pour le commun des mortels, il est impossible de...