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Le Kosovo, dix-sept ans d'un État de fait – entretien avec Olivier Delorme

ENTRETIEN. Il y a dix-sept ans, le Kosovo déclarait unilatéralement son indépendance, sous l'œil bienveillant, voire complice, de l'OTAN et de ses affidés européens. L'historien Olivier Delorme revient en détail sur l'histoire, du Moyen-Âge à nos jours, de ce qui est aujourd'hui un « État de fait » maintenu en vie par un atlantisme chancelant.

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Albin Kurti, Premier ministre du Kosovo, à un défilé militaire célébrant le 25e anniversaire de l'entrée des troupes de l'OTAN au Kosovo (6 juin 2024).© Visar Kryeziu/AP/SIPA



Front Populaire : Sur quels fondements historiques, culturels, politiques s’est établi le Kosovo ?

Olivier Delorme : L’actuel Kosovo est le cœur historique de l’État et de l’orthodoxie serbes aux XIIIe-XIVe siècles. Il se nomme alors Métochie, du mot grec qui sert à désigner les dépendances d’un monastère, tant il est couvert d’édifices religieux recelant les plus beaux trésors de l’art serbe, en partie détruits, vandalisés ou pillés par l’UÇK (Armée de libération nationale du Kosovo) à partir de 1999. Puis les Ottomans remportent, le 28 juin 1389 au Champ-des-Merles, ou Kosovo polje, aujourd’hui dans la banlieue de Priština, une bataille déterminante sur les armées chrétiennes des Balkans.

La population de la Métochie est alors presque exclusivement serbe, mais aux XVIIe-XVIIIe siècles, lors de plusieurs descentes des troupes du souverain Habsbourg dans les Balkans, celles-ci sont accueillies en libératrices par les Serbes, dont une partie reflue à leur suite lorsqu’elles se retirent, afin d’échapper à la répression turque. Descendant des montagnes, une population albanophone et majoritairement musulmane comble alors en partie ces départs. Bien que le récit national des Albanais revendique un droit du « premier occupant » par rapport aux Slaves arrivés au VIe siècle de notre ère, en prétendant que les Illyriens de l’Antiquité sont leurs ancêtres.

Les guerres balkaniques de 1912-1913 contrarient cette évolution démographique puisque la région est alors rattachée au royaume de Serbie qui devient, en 1918, le royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Cette première Yougoslavie conduit en effet une réforme agraire qui liquide les grands domaines mal mis en valeur, caractéristiques de la domination ottomane, au profit de la « réinstallation » de petits paysans serbes.

Puis, en 1941, exploitant le mécontentement de l’élément albanophone qui s’est manifesté par des violences chroniques à l’égard des Serbes durant l’entre-deux-guerres, Mussolini intègre le Kosovo à une Grande Albanie où le pouvoir...

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