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Campagne présidentielle : va-t-on sortir de l’Hospice ?

OPINION. Les occidentaux sont-ils les patients anesthésiés d’une administration aux allures d’hospice ? À l’heure du Covid, la lecture d’Édouard Limonov offre un éclairage atypique sur la campagne présidentielle.

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Les drapeaux s’agitent, on se retrousse les manches, les premiers éclats de voix traversent les écrans : ça y est, la campagne présidentielle 2022 commence. C’est cadenassés que les électeurs, dûment autorisés à franchir le seuil d’un café, masqués, soigneusement éloignés les uns des autres, seront appelés à choisir celui qu’Édouard Limonov dénommerait le Directeur de l’Hospice.

J’emprunterai à ce baroque et discordant écrivain sa théorie exposée dans Le Grand Hospice occidental, publié aux éditions Les Belles Lettres en 1993, afin d’examiner les débuts de notre saga électorale.

Limonov, poète, essayiste et homme politique russe décédé en 2020, fut aussi mercenaire, un brin comploteur, activiste fougueux oscillant entre nationalisme et communisme radical. Relue à l’aune des évènements actuels, sa perception du fonctionnement « sanitaire » des sociétés occidentales ou occidentalisées est d’une foudroyante fraîcheur.

Synthétisons rapidement ; les sociétés occidentales reposeraient sur une complicité inavouée entre la population et l’administration (véritable forme des pouvoirs en place). Les populations se seraient glissées dans la peau d’une victime millénaire, celle des oppressions politiques passées, des tyrans, du capitalisme débridé, et sont depuis persuadées d’être lésées par le pouvoir, lui réclamant ainsi une perpétuelle réparation. L’administration, trop contente d’être sollicitée, s’engage à fournir des droits sans cesse nouveaux à ses « malades », tout en veillant à ce que ces derniers ne sortent pas du cadre « je réclame/je reçois ».

La lutte entre les partis politiques pour l’accession au pouvoir revient donc à proposer les meilleurs traitements possibles aux résidents de l’hospice. Il convient de souligner que les revendications sont nettement matérielles depuis les Trente Glorieuses, et correspondent à des gains sonnants et trébuchants (pouvoir d’achat, subventions). La contrepartie est discrète, ce que Limonov appellerait un pouvoir « doux » : un contrôle social reposant sur le conformisme, les procédures, l’adhésion à une intendance de plus en plus invasive.

L’auteur se...

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