Ce que signifie la décision du Conseil constitutionnel de garantir l’accès à l’aide juridictionnelle aux étrangers en situation irrégulière
CONTRIBUTION / ANALYSE. Une récente décision de l’institution gardienne de la Constitution a fait grand bruit. Désormais, l’accès à l’aide juridictionnelle est garanti à tous, citoyens français comme étrangers, y compris en situation irrégulière. Une décision politique et problématique qui pourrait s’avérer lourde de conséquences, à court comme à long terme, juge Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel. Rappel des faits et explications.
Qu’a jugé le Conseil constitutionnel le 28 mai dernier en matière d’aide juridictionnelle aux étrangers en situation irrégulière ?
La loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique exclut (sauf dans quelques cas) du bénéfice de l’aide juridictionnelle les étrangers – autres que les ressortissants de l’Union européenne – en situation irrégulière.
Statuant sur trois « questions prioritaires de constitutionnalité » que lui avait transmises la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel censure, le 28 mai, cette condition relative à la régularité du séjour. L’aide juridictionnelle devra désormais bénéficier aux étrangers en situation irrégulière comme aux Français et aux étrangers en situation régulière.
La censure prenant effet, par la volonté du Conseil, dès la publication de sa décision, sont concernées toutes les procédures juridictionnelles dans lesquelles les étrangers en situation irrégulière sont parties, qu’il s’agisse des instances relatives au séjour ou des autres contentieux, civils ou pénaux. Précisons que les étrangers en situation irrégulière sont d’ores et déjà éligibles à l’aide juridictionnelle dans nombre de cas. La loi les en fait bénéficier lorsqu’ils sont mineurs, lorsqu’ils sont mis en cause ou parties civiles dans une procédure pénale, lorsqu’ils font l’objet de certaines mesures prévues par l’article 515-9 du code civil ou par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que, à titre exceptionnel, lorsque leur situation apparaît particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige ou des charges prévisibles du procès.
L’impact de la décision du 28 mai n’en est pas moins considérable. Il l’est dans l’immédiat par son effet perturbateur. Il l’est aussi sur la longue durée, tant par l’incitation à recourir que constitue le bénéfice de l’aide juridictionnelle que par le coût budgétaire de la décision (les dépenses d’aide juridictionnelle sont passées de 342 millions d’euros en 2017 à 630 millions en...