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Cours criminelles départementales : « L’effacement du jury populaire ne fera qu'accentuer l'éloignement entre le peuple et sa justice »

ENTRETIEN. En expérimentation depuis 2019, les cours criminelles départementales (CCD), ces nouvelles juridictions intermédiaires, sont généralisées depuis le 1er janvier 2023. Une « régression démocratique » qui ne répond même pas aux problèmes que la réforme était censée résoudre, analyse Benjamin Fiorini, maître de conférences en droit privé et en sciences criminelles à l'université Paris 8.

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Front Populaire : Depuis le 1er janvier 2023, les cours criminelles départementales en expérimentation dans plusieurs départements depuis 2019 ont été généralisées dans toute la France, à l’exception de Mayotte. Que va changer cette nouvelle juridiction intermédiaire entre les tribunaux correctionnels et les cours d’assises ?

Benjamin Fiorini : Les cours criminelles départementales (CCD) vont remettre en cause un principe fondamental hérité de la Révolution française de 1789, celui de la participation citoyenne à la justice criminelle.

Jusqu’alors, les crimes — c’est-à-dire les infractions les plus graves au sens du Code pénal — étaient normalement jugés par des cours d’assises composées de trois magistrats professionnels et de six jurés citoyens tirés au sort sur les listes électorales (neuf jurés en appel). Or, depuis le 1er janvier 2023, les cours d’assises sont remplacées dans près de 60 % des affaires par ces fameuses CCD, exclusivement composées de magistrats professionnels (cinq au total). Exit les jurés citoyens !

Plus précisément, les CCD sont désormais chargées de juger les crimes pour lesquels la peine encourue est de quinze ans ou vingt ans de réclusion criminelle, ce qui concerne principalement les viols, mais aussi les coups mortels, les vols à main armée, les tortures ou encore les actes de barbarie. Le jury populaire, quant à lui, est seulement conservé en appel et pour le jugement des crimes les plus sévèrement réprimés (meurtre, assassinat, empoisonnement, etc.).

Il s’ensuit que la participation citoyenne à la justice criminelle est devenue minoritaire dans notre pays, ce qui constitue une profonde régression démocratique. Si environ 20 000 citoyens étaient appelés chaque année à siéger en qualité de jurés, ils seront moins de 10 000 à partir de cette année. Triste déclin !

À ce titre, je remarque que de façon amusante, CCD est également l’acronyme d’un Crime contre la démocratie…


FP : Ces cours seront...

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