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Eric Guéguen : « Nous ne vivons pas le totalitarisme, mais un autotalitarisme »

ENTRETIEN. Philosophe politique, Éric Guéguen* se définit comme électron libre républicain. Après Le Miroir des peuples paru en 2015 aux éditions Perspectives Libres, il publie cette année en tant qu’auteur et éditeur La Justice et l’Ordre, une réflexion sur notre condition politique actuelle. Une ode à la souveraineté populaire et à l’enracinement.

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Front Populaire : Vous commencez votre ouvrage en revenant sur la fracture moderne que représente la montée en puissance de l’individualisme occidental. Pourquoi cette fracture est-elle structurante ? Vous expliquez que le propre de la modernité libérale est d’avoir construit un homme déraciné, délié de tous les héritages. Toutes ces libérations progressives ne sont-elles pas des conquêtes émancipatrices ?

Eric Guéguen : Je pense en effet que l’individualisme est au fondement de cette singularité de l’Occident moderne. C’est ce qui le caractérise avant tout. Je ne parle pas de ce que tout le monde constate et déplore au quotidien, à savoir une sorte d’égoïsme général qui s’est peu à peu répandu dans nos sociétés et qui n’est qu’une conséquence de ce que j’ai en vue. Je veux parler de l’individualisme en tant que « fait anthropologique », c’est-à-dire notre façon, à chacun, de penser le monde spontanément, de n’y voir qu’un fourmillement d’individus mus par leurs propres choix d’un bout à l’autre de leur vie. Nous en sommes venus à oublier que beaucoup de ces choix sont pré-orientés suivant la famille, le milieu, le pays et l’époque dans lesquels on vient au monde. Une partie de notre culture n’est qu’une seconde nature. Initialement, notre tendance à être croyant, non croyant, de gauche ou de droite est indexée, sans être irréversible (heureusement !), sur l’éducation transmise par nos parents. Plus généralement, je rappelle que nous sommes des êtres profondément sociaux. Et ça c’est une donnée naturelle, un pur déterminisme : nous sommes toutes et tous conditionnés, programmés à ne nous épanouir que dans les rapports quotidiens avec nos semblables, donc à vivre en communautés de taille raisonnable. Je ne suis « individu » que dans la mesure où je peux me comparer aux autres et échanger avec eux. Bien entendu, on ne peut que se féliciter que soient mises en avant...

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