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Ghislain Benhessa : « L’État de droit ne peut pas être intangible, puisqu’il ne l’a jamais été ! »

ENTRETIEN. Le recours au référendum, et par lui au peuple, n'est plus qu'un lointain souvenir pour de nombreux Français, et un ancien mythe pour les autres. Désormais, on lui préfère la défense de l' « État de droit », concept rarement défini, mais souvent agité. À la lumière de l'actualité politique récente, Ghislain Benhessa, docteur en droit public, rappelle que la souveraineté du peuple est la condition sine qua non de la démocratie, et que sa mise sous tutelle en est la mort.

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© HOUPLINE-RENARD/SIPA


Docteur en droit public et avocat, Ghislain Benhessa connaît bien le concept d' « État de droit »  – et le flou artistique qui entoure cette formule constamment invoquée dans le débat public – pour y avoir consacré un essai remarqué : Le Totem de l'État de droit – Concept flou et conséquences claires (éd. L'Artilleur, 2021). Son dernier livre, co-écrit avec Guillaume Bigot : On marche sur la tête ! La France, l'UE et les mensonges (éd. L'Artilleur, 2024).


Front Populaire : Nous assistons depuis le début de la semaine à un conflit entre d’un côté, les éternels défenseurs de l’État de droit, et de l’autre ceux qui, comme Bruno Retailleau, ont émis  l’hypothèse d’un référendum (en l’occurrence, sur l’immigration). Mais au fond, qu’est-ce que l’État de droit, et est-il « sacré » comme l’affirme Yaël Braun-Pivet, pour ne citer qu’elle, ou bien « pas intangible », dixit Bruno Retailleau ?

Ghislain Benhessa : En réalité, l’État de droit est devenu un totem presque malgré lui. Il y a un peu plus de cent ans, d’éminents juristes allemands ont conceptualisé le « Rechtsstaat », qui se traduit, littéralement, par « État de droit ». L’idée est simple : si l’État n’est rien de plus qu’une machine composée d’organes – parlement, gouvernement, tribunaux –, et si ses organes agissent en produisant des normes – lois votées par les députés, décrets adoptés en Conseil des ministres, arrêtés préfectoraux ou municipaux –, cela signifie qu’il est entièrement lié par le droit. Qu’à tous les étages de la fusée, l’État exprime sa volonté par des règles. S’il n’y a pas de règles, il n’y a pas de droit, et s’il n’y a pas de droit, il n’y a pas d’État. Nulle question morale là-dedans, juste une articulation fonctionnelle.


L’État de droit, jadis simple pyramide de normes, est devenu une boule à facettes de droits, ou plutôt de revendications....

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