Pierre Le Vigan : « Le libéralisme est avant tout un individualisme »
ENTRETIEN. Urbaniste de formation, Pierre Le Vigan est aussi philosophe et collaborateur de nombreuses revues d’idées depuis près de 40 ans. Dans Eparpillé façon puzzle (éd. Perspectives Libres), il attaque le macronisme, figure de proue du libéralisme-autoritaire.
Front populaire : A priori, le libéralisme est censé s’opposer à l’autoritarisme. Qu’est-ce donc que le libéralisme-autoritaire, si ce n’est pas un oxymore ?
Pierre Le Vigan : Effectivement, si le libéralisme consiste à être ouvert à la discussion, contrairement à l’autoritarisme qui consisterait à obéir sans discussion à tout ce qui vient des pouvoirs institués, comment ne pas être libéral ? Je n’ai pour ma part aucun goût pour l’autoritarisme ou pour un slogan tel que « Mussolini a toujours raison » (et il n’avait pas toujours raison, c’est le moins que l’on puisse dire !). Mais le libéralisme n’est pas la simple défense des libertés. Il est avant tout un individualisme. Or tout individualisme tend à devenir un utilitarisme. Nous ne sommes affectés que par ce qui nous concerne personnellement. L’idée même d’avoir des compatriotes perd tout sens. « L’individualisme qui caractérise notre époque est une des sources de notre désaffection pour l’action politique et le bien commun. Pour qu’une situation moralement inacceptable nous fasse agir, il faut qu’elle nous affecte personnellement, sans quoi nous ne nous en préoccupons pas. », écrit Ludovic Trolle dans Marianne.
Le contraire du libéralisme n’est pas l’autoritarisme mais l’esprit de communauté. C’est ce qu’avaient fort bien vu les non conformistes des années trente : Robert Aron, Arnaud Dandieu, Robert Francis, Jean de Fabrègues, Alexandre Marc, Thierry Maulnier… Le libéralisme suppose l’extension indéfinie des droits subjectifs et individuels. Cela se fait inévitablement au détriment des droits collectifs, comme le droit d’une communauté à faire régner en son sein une certaine justice, une certaine équité, le droit de ne pas être déposséder de son histoire, de ses normes, le droit à la continuité de la nation – expression que je préfère à celle d’identité car la continuité n’exclut pas des évolutions – , et plus généralement ce qu’on pourrait appeler le...