Pourquoi un gouvernement Bardella aurait du mal à appliquer son programme sur l’immigration
CONTRIBUTION / ANALYSE. De quelle marge de manœuvre pourrait disposer un éventuel gouvernement Rassemblement national sur la question migratoire ? Entre la Constitution, les traités, l’Union européenne et la politisation des juges du Conseil constitutionnel ou du Conseil d’État… il ne reste plus grand-chose, explique Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel.
Un gouvernement dont le Premier ministre s’appellerait Jordan Bardella et qui disposerait du soutien de la majorité absolue des députés ne pourrait pas mener une politique migratoire restrictive sans se heurter au pouvoir juridictionnel.
Pour changer de paradigme en matière d’immigration, il faudrait modifier la Constitution et revoir les engagements européens ou internationaux de la France. Or cela, un Premier ministre, même soutenu par la majorité des députés, ne pourrait le faire. Le référendum de l’article 11 ne peut être déclenché que par le Président de la République. Une révision constitutionnelle exige l’accord du Sénat. Quant aux traités (pensons à la convention de Genève sur le droit d’asile), Emmanuel Macron pourrait légitimement faire valoir que c’est au Président de la République que l’article 52 confie le soin de négocier et de ratifier les traités. Un gouvernement RN ne pourrait dénoncer contre la volonté du Président de la République un accord international, tel que l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 sur la circulation et le séjour des ressortissants algériens par exemple.
Le RN en est conscient. Aussi, dans ce domaine, comme en matière socio-économique, a-t-il réduit ses ambitions à « ce qui peut être fait maintenant ».
Certaines mesures peuvent en effet, du moins en théorie, être prises par la loi ordinaire ou par le règlement. Disposer de la majorité absolue des députés permet d’adopter des lois. Quant au pouvoir réglementaire, il est entre les mains du gouvernement qui « détermine et conduit la politique de la nation » (article 20 de la Constitution). Encore faut-il que ces lois et ces décrets ne soient pas censurés par le pouvoir juridictionnel.
Les lois votées par une majorité RN ou à dominante RN feraient l’objet d’un contrôle sourcilleux du Conseil constitutionnel (le président de ce dernier a, s’il en était besoin, prévenu qu’il...