idéespolitique

Renoncement au 49.3 : l’abdication sous les habits de l’ouverture

CONTRIBUTION / ANALYSE. Jean-Éric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil Constitutionnel, rappelle que si le « 49.3 » est régulièrement perçu comme anti-démocratique, il est en réalité un instrument législatif fondamental de la Ve République, et qu'y renoncer – comme l'a fait Sébastien Lecornu –, c'est aussi renoncer à l'héritage institutionnel du général de Gaulle.

sebastien-lecornu-assemblee-nationale-49-3
© Thibault Camus/AP/SIPA


Cet article signé Jean-Éric Schoettl poursuit une première reflexion amorcée le 5 octobre sur le site du Figaro.


Suspension de la réforme des retraites, feu vert donné au concours Lépine fiscal, impasse sur le régalien, renoncement à l’emploi de l’article 49 (alinéa 3) de la Constitution : en déposant autant de gages d’ouverture aux pieds du parti socialiste, le Premier ministre Lecornu, tout récemment encore ministre des Armées, a capitulé sans combattre. Dans l’espoir (incertain) de prolonger la législature et d’assurer, quoi qu’il en coûte, la poursuite du mandat présidentiel, il a troqué le souci des générations futures contre une précaire stabilité gouvernementale et l’intérêt de la nation contre le sauvetage des sièges.

De tous les renoncements ainsi consentis, c’est l’abandon de l’article 49.3 qui, pour un gaulliste, est l’abjuration majeure, car il trahit l’esprit des institutions. Voici pourquoi.

Pour sortir de l’instabilité gouvernementale qui avait caractérisé les IIIe et IVe Républiques, la Constitution de 1958 a voulu « rationaliser » la vie parlementaire. L’article 49.3, est emblématique de cette volonté. Issu du constat de l’impuissance de l’exécutif à faire voter ses textes par des majorités exigües et capricieuses, il est conçu par les principaux acteurs de la IVe République agonisante, notamment Pierre Pflimlin et Guy Mollet, pour permettre de gouverner.

La logique du 49.3 est robuste. Comme le résume Pierre Steinmetz (Atlantico, 4 octobre 2025), « le Premier ministre dit à l’Assemblée nationale : ce texte (en particulier la loi de finances) est d’une importance telle que je ne puis conduire sans lui la politique dont la responsabilité m’incombe ; dès lors ou vous me l’accordez (en le votant ou en ne votant pas la censure), ou bien vous changez de premier ministre ». Si le gouvernement ne peut accomplir sa mission, il perd sa raison d’être : celle « de déterminer et de conduire la politique de...

Vous aimerez aussi