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Rodolphe Cart : « Georges Sorel verrait probablement le mouvement souverainiste d’un œil positif »

ENTRETIEN. Rodolphe Cart, contributeur régulier à Front Populaire, publie Georges Sorel. Le révolutionnaire conservateur aux éditions de la Nouvelle Librairie. Une plongée érudite dans la pensée d’un philosophe mal connu… et étrangement actuel.

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Front Populaire : Homme du peuple et de la ruralité, révolutionnaire convaincu, sorte de « socialiste conservateur » à la croisée de Marx et de Proudhon… La pensée de Georges Sorel semble pétrie de contradictions pour l’observateur qui l’analyserait avec les grilles de lecture du XXIe siècle. Pouvez-vous nous en tracer les grandes lignes ?

Rodolphe Cart : Pour comprendre le cheminement intellectuel de Sorel, il est primordial de faire un rappel historique. Jusqu’à l’Affaire Dreyfus (fin XIXe siècle), personne ne parle de gauche ou de droite. Sorel ne déroge pas à la règle puisque jamais, dans ses textes, il ne fait mention de son hypothétique qualité d’« homme de gauche ».

Pour faire vite, on peut dire que la France de l’époque était tricolore : il y avait les « blancs », les « bleus » et les « rouges ». La droite – que l’on peut qualifier de parti réactionnaire –, ce sont les « blancs » qui espèrent restaurer tout ou une partie de l’Ancien Régime. En face, le parti libéral et de gauche, que l’on surnomme les « bleus », regroupe essentiellement des républicains et des libéraux. Le dernier parti, les « rouges », est composé des anarchistes, des syndicalistes et des socialistes. C’est dans ce dernier parti que l’on pourrait placer Sorel. Or l’Affaire Dreyfus sera un tournant car les rouges et les bleus, pour des raisons diverses et multiples, vont s’allier de manière strictement défensive contre le « coup d’État » des blancs. D’un jeu tricolore bleu-blanc-rouge, nous passons à un duel de blocs opposant le bloc blanc et le bloc coalisé bleu-rouge.

Rangé du côté des dreyfusards – ce qu’il regrettera plus tard -, Sorel revient sur cet évènement dans un texte (La révolution dreyfusienne (1909)) pour critiquer l’effacement de la distinction entre « rouges » et « bleus ». Pour lui, c’est le régime républicain – et non les idées socialistes et révolutionnaires – qui ressort gagnant de cette...

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