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Peut-on encore être conservateur ?

ENTRETIEN. Armand Rouvier est chercheur en science politique. Dans son livre Peut-on encore être conservateur ? (éd. Buchet chastel), il s’intéresse à l’histoire du conservatisme en France et interroge des paradoxes. Cette tradition, longtemps oubliée, semble retrouver une place au cœur de la société française.

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Front populaire : Comment définiriez-vous précisément le conservatisme ?

Armand Rouvier : Le conservatisme est tout d’abord un tempérament : la disposition à vouloir conserver, à accepter l’autorité des traditions parce qu’elles nous ont été léguées et non parce qu’elle serait bonne ou parfaite. Cette acceptation des traditions repose en grande partie sur la méfiance vis-à-vis du changement. Pour le conservateur, le changement porte en lui de nombreux dangers : celui qui veut transformer le monde est souvent imprudent, il surestime ses capacités intellectuelles, sous-estime la complexité du monde, donne à la politique un rôle salvateur qu’elle n’a pas à avoir. Si le conservateur montre une telle défiance envers le changement, c’est qu’il veut défendre le présent. Ou plus précisément défendre ce passé qui reste présent dans nos vies et qui rend notre monde familier. La défiance du changement se base donc sur une affection envers notre monde, sur une gratitude et une reconnaissance de notre héritage. Le conservateur n’a pas d’ennemi à abattre, d’utopie à accomplir mais il a un monde à conserver. C’est pourquoi Roger Scruton, le dernier grand philosophe conservateur, voyait ce qu’il appelait oikophilia, l’affection pour le domestique, le proche et le familier comme la source du conservatisme.

Historiquement, le conservatisme est une réponse au problème moderne : comment légitimer l’autorité maintenant que la religion est devenue source de conflit ? Pour les conservateurs, les lois et coutumes tirent leur légitimité de leur historicité. Il ne faut pas obéir aux lois parce qu’elles sont justes mais justement parce qu’elles sont lois, nous dit Pascal. La loi est légitime car elle est reçue. Être conservateur, alors, c’est vouloir conserver ; c’est la disposition qui porte à préférer le familier à l’inconnu, qui pousse à avoir une vision prudente et modeste de la politique ; à se méfier des idées abstraites ; à accorder sa...

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