Grand remplacement contre créolisation : deux mythes politiques contemporains (partie 2)
CONTRIBUTION / OPINION. Selon notre lecteur, la « créolisation » chère à l'extrême gauche et le « Grand Remplacement » constituent deux grands récits ou mythes qui reflètent, en miroir l'un de l'autre, les aspirations et les touments de notre époque. Seconde et dernière partie de l'analyse.
Première partie à lire ici
À propos de la dystopie « remplaciste »
Il va de soi que les « nés quelque part » (somewhere) qui éprouvent, autant par nécessité contrainte que par fidélité solidaire, un besoin d'ancrage et de transmission, ne peuvent adhérer à cette déterritorialisation/désaffiliation autant narcissique, ludique que prédatrice : on ne compte plus les lieux dont les natifs sont chassés par la spéculation immobilière, les résidences secondaires, etc. par la caste d'en haut, sur la partie littorale du territoire de la façon la plus criante. En miroir, cela produit un phénomène d'exode forcé en bas de l'échelle socio-territoriale, dans bien des quartiers populaires, par la ghettoïsation/communautarisation des populations immigrées.
«L'insécurité culturelle» (9) croissante qui découle de cela chez les classes dominées a produit par réaction un contre-mythe, non d'adhésion cette fois, mais de répulsion (10) : le Grand Remplacement. Cette dystopie, qui s'oppose à l'utopie mondialiste «créole », possède une généalogie ancienne qui va de Gobineau à Zemmour en passant par Barrès, Maurras, Céline, Raspail, Ordre Nouveau, Le Pen, le GRECE, le club de l'Horloge, Renaud Camus... La continuité historique montre que la colonisation a immédiatement suscité - ab origine - questionnement et angoisse chez les Occidentaux, qui bien que vainqueurs, ont senti l’aspect dialectique de la rencontre du « maître » occidental avec «l’esclave de couleur ». L’histoire du mythe du Grand Remplacement est indissoluble de celle de la colonisation, chaque stade (colonisation - guerre - indépendance - néocolonisation - immigration) suscitant de nouvelles actualisations du mythe, processus dont nous atteindrions le dernier stade, celui de l’arroseur arrosé, inversion où le colonisateur devient le colonisé et vice-versa.
Qu’en est-il du point de vue des anciennes colonies ? Le déracinement général produit de la confusion, confusion chez les immigrés qui cherchent à se raccrocher à une tradition fantasmée, rétrograde et rigoriste venue d'Islam en particulier, faute d'une véritable certitude de...