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Alexandre Langlois : « L’État sait qu’il n’a plus les moyens de faire respecter l’ordre »

ENTRETIEN. La mort d’un mineur, tué par un policier après un refus d’obtempérer a embrasé les cités françaises. Ancien policier, Alexandre Langlois analyse ces émeutes qui se sont étendues dans les villes de France et menacent la stabilité du pays.

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Front Populaire : Avant que le procureur de Nanterre, Pascal Prache, ne fasse un résumé plus détaillé du déroulement des faits entourant la mort de Nahel, Emmanuel Macron parlait d’un décès « inexcusable et inexplicable ». Quel est votre sentiment aujourd’hui ?

Alexandre Langlois : Mon sentiment, depuis le début, est qu’il y a un emportement général autour de cette situation dramatique. Plutôt que d'essayer d'apaiser les choses, il y a eu une récupération politique qui aboutit à un débat « pour ou contre la police ». Et cela au mépris total de la présomption d'innocence du policier, déjà condamné symboliquement par des pouvoirs politiques pourtant bien prompts à invoquer cette présomption lorsqu’ils sont mis en cause.

Ensuite, Emmanuel Macron nous dit que ce drame est « incompréhensible ». C’est malheureusement faux. Il est le résultat d’une défaillance générale. Il y a déjà une multitude de questions qui ne sont pas posées dans le débat public autour de cette histoire. Qu’en est-il du rôle des parents dans l'éducation de leurs enfants ? Comment un mineur de 17 ans a-t-il pu se retrouver, sans permis, au volant d’une voiture de location ?

Pour ce qui est des faits, le juge se prononcera sur la légitimité du tir. Ce qui est certain, c’est qu’en voulant clarifier l'utilisation des armes par les policiers en 2017 avec l’article L 435-1 du Code de sécurité intérieure, le gouvernement n'a fait qu’au contraire rendre le cadre encore plus flou. On a donc des agents qui ne savent plus à quel moment ils peuvent sortir leur arme ou non. Et il arrive que certains soient trop confiants. Ajoutez à cela le manque de formation — la plupart des agents ne tirent que trois fois dans l’année — et le manque d’effectifs, difficile d’être serein auprès de la population sur le terrain. Tout ça aboutit à des drames, et à la fin on a un policier qui sert de punching-ball pour l'arène politique.


FP : Plus largement, qu’est-ce que ce drame et ces émeutes disent du rapport d’une partie de la population avec l’autorité publique ?

AL : Le rapport de la population avec la police n’a cessé de se détériorer, c’est vrai. Mais c’est une volonté politique depuis des années. Ce qui a aussi changé, c'est qu'avant, la police connaissait ces quartiers. Il y avait un rapport, je ne dirais pas forcément de confiance, mais de gens qui se connaissaient. Au fur et à mesure, le lien a été rompu et on est passé aux « opérations coup de poing » ponctuelles dans des quartiers qui n’ont plus droit à la sécurité au quotidien.


« Pendant que la population est mise en danger, les gouvernements successifs renforcent leur propre sécurité et étouffent toute contestation. »


Aujourd’hui, c'est soit la pègre, soit certains intégristes religieux qui tiennent ces quartiers, l'État français ne le faisant plus, faute de moyens dans la...

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