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Des panneaux photovoltaïques près des monuments français ?

ARTICLE. Des sénateurs LREM et PS tentent de faciliter au maximum l’installation de panneaux photovoltaïques à proximité des bâtiments protégés. Pourquoi la France devrait-elle sacrifier sa spécificité culturelle et ses vieilles pierres, aux énergies renouvelables ?

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Faut-il sanctuariser 6 % du territoire français ? 6 %, c’est la part qu’occupent les espaces protégés au titre du code du patrimoine, à savoir les abords de monuments historiques ou de sites patrimoniaux dits remarquables en France. Dans le cadre des échanges sur le projet de loi « Production d’énergies renouvelables » quelques sénateurs LREM ou PS ont souhaité introduire un amendement polémique, visant à faciliter l’installation des panneaux photovoltaïques à proximité des monuments et autres espaces historiques protégés.

Un périmètre de protection du patrimoine architectural urbain ou rural est encadré par le code du patrimoine. Par exemple, pour le château de Versailles, il a été décrété en 1964 et correspond à une zone de 5 km de rayon autour du bâtiment, et plus spécifiquement, de la chambre du roi. La plupart des édifices historiques ne partageant pas le prestige du château de Louis XIV, les collectivités ne sont pas obligées de fixer de telles limites. Dans ce cas la loi fixe une frontière de 500 mètres. Tout projet — visible du monument historique — au sein de ce cercle doit obtenir l’autorisation de l’architecte des Bâtiments de France (ABF). C’est cet avis dit « avis conforme » que des sénateurs ont voulu transformer en « avis simple » pour le rendre moins contraignant.

« Je ne voudrais pas que ce texte oublie les particuliers qui veulent investir dans les économies d’énergie et développer une autoconsommation » explique Jean-Pierre Corbisez, sénateur PCF qui estime anormal que « l’on empêche les classes moyennes de se lancer dans le photovoltaïque, alors qu’elles en ont les moyens, parce qu’elles habitent en centre-ville ». C’est le sens de l’amendement déposé par Nadège Havet. Lors de la commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable du mercredi 26 octobre, la sénatrice a tenu à préciser qu’il s’agissait « effectivement, au départ, de tenir compte de la situation des particuliers qui ne parviennent pas à installer des panneaux photovoltaïques à proximité d’un bâtiment classé ».

Quel gain ?

Les camps LR et PS semblent n’avoir pas été sensibles à cet amendement préalablement accepté dont ils ont obtenu la suppression. « Cette mesure n’apparaît pas justifiée au regard des gains extrêmement limités en termes de production d’énergie qu’on peut en attendre » et « des conséquences désastreuses qu’elle pourrait avoir en termes de protection et de mise en valeur du patrimoine dans ces espaces », écrivent les sénateurs.

Ils sont soutenus par un collectif d’association, appuyé par notamment le Président de Sites & Cités remarquables de France, Martin Malvy, ou bien le chargé de mission pour le patrimoine en péril, Stéphane Bern. Dans une lettre ouverte au président de la République relayée par la Dépêche le 1er novembre, ils s’inquiètent d’une « perspective qui consiste à fournir, à partir du patrimoine national, une vitrine aux producteurs d’électricité » qu’ils considèrent « effrayante » d’autant qu’ils l’estiment « énergétiquement purement symbolique » et « culturellement, esthétiquement, dramatique ».

Pour être rentable — traduisez : pour offrir une pleine autonomie en électricité — une maison de 100 m2 équipée en climatisation nécessitera près de 20 panneaux solaires, soit environ 40 m2 de toiture recouverte. Et encore faudra-t-il disposer d’un espace de toiture suffisante. La transition énergétique vaut-elle alors de désacraliser les alentours du patrimoine historique en prenant en compte les effets indésirables, mais difficilement quantifiables sur le tourisme ? Pour une production énergétique locale aussi faible, la question semble plus que légitime.

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