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Drogue, emprise addictive : les racines du mal

OPINION. Le débat sur la réglementation de la drogue se limite sans cesse à l’aspect de la judiciarisation. Mais entre les partisans de la libéralisation totale et ceux de la répression sévère, aucun ne semble réellement vouloir comprendre les causes du phénomène dans nos sociétés contemporaines.

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La position dominante et d’autorité laisse entendre qu’il faut combattre l’immense fléau de la drogue qui gangrène notre société. Soit, le problème est d’ampleur et s’inquiéter de sa couverture grandissante nous semble parfaitement légitime. Cependant, a-t-on véritablement interrogé le phénomène, beaucoup plus général et profond, des addictions multiples qui, depuis des années, atteignent le corpus même de nos relations sociales et notre rapport à l’individu de plus en plus incertain ? On nous parle de l’individualisme comme le symptôme actuel le plus prégnant, présenté comme un égoïsme ou un narcissisme. Mais n’est-ce pas plutôt la partie émergée d’un échec de sa pleine réalisation et la conséquence d’un enfermement dans la quête de sensations autocentrées ?

Surchargé de tâches impossibles à assumer, le sujet n’y arrive plus et se réfugie ainsi dans une addiction lui procurant un surmoi artificiel. Ses désirs impossibles vont se muter en besoins à assouvir coûte que coûte, par une consommation forcenée et immédiate à forte intensité. Nous avons donc assisté à une déferlante de « moyens de substitution » à l’altérité, à son évitement afin d’amplifier les excès de sublimation de soi, jusqu’à vouloir « n’être que soi-même. » De la télé-réalité qui faisait de chaque existence un destin exemplaire ainsi que des communications par réseaux donnant la sensation d’être reconnu, jusqu’aux objets chimiques : antidépresseurs, médicaments psychotropes, calmants, etc., ainsi que toutes les drogues, nos sociétés sont sous perfusion et aucune réflexion politique ne s’est emparée de ce problème qui s’amplifie depuis les années 70.

Progressivement, nos personnalités ont été modifiées et nos défenses amoindries en acceptant ces dépendances comme allant de soi et en s’offusquant des drogués dangereux qui polluent notre environnement. Quelques auteurs nous avaient alertés sur cette tendance mortifère comme Alain Ehrenberg, Claude Olievenstein ou Marcel Gauchet, mais on ne les a pas pris au sérieux. N’a-t-on pas assisté...

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