Éducation nationale : « un projet innovant et de grande envergure »…
TÉMOIGNAGE. Nivellement par le bas, égalitarisme obsessionnel, novlangue administrative… Après quelques dizaines d’années au sein de l’Éducation nationale, notre abonnée dresse un tableau désabusé de l’institution, autrefois figure de fierté nationale.
Une inutile réforme par-ci, une vaine nouveauté pédagogique par là… L’Éducation nationale, pour laquelle je travaille depuis quelques dizaines d’années, s’est métamorphosée, tel Grégoire Samsa, en un monstrueux insecte. Et comme pour lui, « ses monstrueuses pattes, lamentablement grêles par comparaison avec la corpulence qu’[elle] a par ailleurs, grouillent désespérément ». Pendant longtemps, je n’ai rien vu venir. Pourtant les signes étaient très clairs de cette lamentable transformation, masquée par d’ineptes gesticulations.
Aujourd’hui, les anecdotes remontent en foule dans ma mémoire et viennent toutes parler haut et fort de cet effondrement. L’année 2020, cours en distanciel et vie en distanciel pour cause bien connue de crise sanitaire. J’étais alors — je suis toujours — en poste dans une école perdue du Sud marocain, en détachement pour le compte de la Mission laïque française. Nous échangeons entre enseignants des informations diverses grâce à une célèbre application, à défaut de pouvoir nous rencontrer. Un collègue, professeur d’histoire-géographie d’une trentaine d’années, partage avec l’équipe une nouvelle, comme d’habitude de sa part, truffée de fautes d’orthographe : « Je vous l’avez (sic) dit dernièrement… »Dans un message personnel, je lui propose de relire et de corriger à l’avenir ses textes avant qu’il ne les envoie au groupe. Car, si l’on n’est pas obligé d’être un champion des dictées de Pivot, on peut au moins être conscient de ses lacunes et accepter quelques béquilles… Sa réponse m’arrive dans les minutes qui suivent, sous forme d’une superbe et cinglante prétérition : « Loin de moi l’idée de t’accuser d’être une grammar-nazie mais… ». Je réagis immédiatement en lui faisant remarquer qu’en tant que professeur d’histoire-géographie, il ne devrait pas employer le mot « nazi » de façon aussi désinvolte et qu’il devrait se rappeler la célèbre remarque d’Albert Camus : « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde »… Nouveau message...