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Emmanuel Thiébot : « Que nous le voulions ou non, nous sommes tous fichés »

ENTRETIEN. Historien spécialiste de l’histoire de la Franc-maçonnerie, Emmanuel Thiébot vient de publier Le scandale oublié de la IIIe République (ed. Dunod). Il revient sur une affaire, largement oubliée, qui a ébranlé la République : l’affaire des fiches. L’occasion d’interroger le passé et le présent.

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Front Populaire : Vous intitulez votre livre Le scandale oublié de la IIIe République. Pourriez-vous revenir brièvement sur cette affaire ?

Emmanuel Thiébot : « L’incident est clos. » C’est en ces termes fermes, diffusés à l’ensemble de l’Armée, en 1899, que le ministre de la Guerre, le général Galliffet, estime que les remous consécutifs à l’affaire Dreyfus après la grâce de celui-ci doivent cesser. Comme l’écrira Joseph Caillaux, dans ses mémoires : « Il avait raison de l’écrire. Il avait tort de le penser ». Car au-delà de l’affaire judiciaire, le trouble est bien plus profond au sein de l’Armée entre les garants d’un conservatisme passéiste et les républicains.

Ce ressentiment à l’égard de l’Armée est, depuis les années 1880, fortement ressenti par les loges maçonniques qui dénoncent régulièrement, exemples à l’appui, des attitudes anti-républicaines d’officiers, comme elles le font aussi à l’égard du corps préfectoral et des membres de l’enseignement.

Ce combat est aussi celui de l’anticléricalisme tel qu’a pu le proclamer le franc-maçon Léon Gambetta à la Chambre, le 4 mai 1877 : « Le cléricalisme ? Voilà l’ennemi » !

Le ton est donné et permet de comprendre les raisons pour lesquelles, en 1899, à l’initiative de la Ligue de la Patrie française circule, via les colonnes du journal des Assomptionnistes La Croix, une pétition visant à dissoudre la franc-maçonnerie. Cela n’empêche nullement les frères du Grand Orient de France, réunis lors du convent de 1901, de revendiquer l’épuration du personnel administratif et de réclamer que le pouvoir protège les officiers républicains désavantagés dans leur avancement. Le combat s’annonce âpre et sans pitié dans chacun des deux camps.

C’est dans cette atmosphère que le général Louis André est nommé, en mai 1900, au poste de ministre de la Guerre. Ses convictions positivistes et ultra républicaines, taxées d’anticléricalisme, provoquent une levée de...

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