Délinquance juvénile

Maurice Berger : « On ne doit jamais excuser un acte de délinquance »

ENTRETIEN. Maurice Berger est pédopsychiatre. Enseignant à l’École Nationale de la Magistrature, il travaille également en Centre Éducatif Renforcé (CER). Il est l’auteur de Sur la violence gratuite en France (2019) chez l’Artilleur. Nous l’avons interrogé dans le cadre de récentes violences urbaines à proximité du Val d’Oise.

/2020/11/Délinquance, adolescence, mineurs

Front Populaire : Récemment, un adolescent de 14 ans a été mis en examen pour avoir incendié un bus de nuit à Sartrouville (Yvelines). L’enquête privilégie un « challenge » entre bandes rivales. La violence ne serait donc parfois qu’un jeu ?

Maurice Berger : Ce qu’on remarque le plus souvent chez ces jeunes, c’est leur difficulté à se construire un imaginaire. Leur pensée est très abimée. Ils n’ont pas de prise de distance symbolique avec le réel. Dès lors, ne pouvant pas faire « comme si », ils ne peuvent jouer qu’en vrai. Leurs jeux sont des plus sommaires, et consistent à se distraire et à se procurer de l'excitation par la destruction de ce qui existe. Un adolescent me déclare : « on s’ennuyait alors on a mis le feu à un entrepôt » (1 700 000 euros de dégâts totalement pris en charge par l'assurance responsabilité civile scolaire des mineurs). On n’a jamais joué avec ces jeunes à des jeux qui permettent l’acquisition du faire semblant, donc de l’imaginaire : jeu de coucou-caché, de la tour de cube qu’on démolit et reconstruit, de la dinette avec différentes mimiques, « miam », « pouah ». Prévention : une France qui jouerait avec ses bébés serait un pays avec moins de violence. De plus, pour diverses raisons, beaucoup de ces mineurs ont d’importantes difficultés d’apprentissage et de compréhension ; par conséquent, ils sont souvent incapables d’anticiper les conséquences de leurs actes, et sont la proie facilement influençable des idéologies complotistes car ils ne parviennent pas à se construire une pensée personnelle.

FP : D’où peut provenir ce type de violence gratuite ? Comment l’expliquer rationnellement ? Est-ce le fruit d’un problème individuel, d’un problème familial, d’un problème sociétal ?

MB : Il existe de nombreuses causes, souvent associées chez le même mineur. Je montre dans mon livre que ces causes ne sont ni la précarité, ni la ghettoïsation,...