SociologiePhilosophie

Michel Maffesoli : « La mise en scène de la peur est un signe de totalitarisme »

ENTRETIEN. Professeur émérite à la Sorbonne, Michel Maffesoli est l’auteur d’une œuvre de réflexion foisonnante sur les implications anthropologiques de la postmodernité. Dans son ouvrage L’Ère des soulèvements (éd. du Cerf), il prophétise le soulèvement prochain du peuple face à la décomposition des élites.

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Front populaire : À vous lire, nous vivrions aujourd’hui dans un « totalitarisme doux ». Qu’entendez-vous par là ?

Michel Maffesoli : En 1978, dans ce qui était ma thèse d’État, pour le différencier des totalitarismes durs de L’URSS, Chine ou de l’Allemagne nazie, je montrais que les démocraties occidentales, en mettant l’accent sur l’hygiénisme et la sécurisation de toute la vie sociale pouvaient aboutir à ce que, d’une manière métaphorique, on pouvait appeler un « totalitarisme doux ». C’est-à-dire qu’en assurant la protection, on demandait, en échange, la soumission à tout un chacun. Ainsi, faut-il le rappeler, de cette manière le pouvoir protégeait abstraitement, mais surtout se protégeait lui-même. Ce qu’on a appelé « crise sanitaire » et qui est d’ailleurs telle surtout dans les pays riches est l’aboutissement de ce processus. Les injonctions incohérentes données par une technostructure déconnectée des masses populaires, la mise en scène de la peur, voilà autant de signes de ce totalitarisme.

FP : Prenant soin de rappeler que la distinction « pays légal / pays réel » n’est pas une invention de Maurras, vous reprenez cette distinction à votre compte en considérant qu’elle permet de saisir « la lumière intérieure du bon sens populaire ». Le peuple a-t-il toujours raison ?

MM : En effet, il faut rappeler que cette formule est celle de Royer Collard, académicien et professeur à la Sorbonne qui dès 1822 pour caractériser un pouvoir tendant à s’abstraire de la réalité populaire. En prononçant cette formule il s’inspirait de la pensée de Saint Thomas d’Aquin, Omnis potestas a populo. Pour ma part, j’ai souligné tout au long de mon travail, depuis mes premiers livres (La Violence totalitaire, 1979), la distinction entre le pouvoir institué, celui des institutions bureaucratiques et la puissance instituante issue de la base.

La plupart du temps, un équilibre s’établit entre ce pouvoir et cette puissance. La démocratie...

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