Mourir pour une idée
EDITO. Cela fait trois ans qu’Arnaud Beltrame a perdu la vie suite à la prise d’otage terroriste du supermarché de Trèbes. L’occasion de nous rappeler le sens de son geste et de méditer à nouveaux frais sur sa signification.
Trois ans déjà. Trois ans que le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame est entré dans la salle des coffres d’un supermarché de Trèbes pour échanger sa vie contre celle d’une inconnue. Étrange sensation que celle qui flotte autour de ce souvenir resté intact dans l’esprit de chaque Français. Après tout, cet attentat n’a pas été très meurtrier et il y en a eu des dizaines avant et après. Et si l’on est capable de citer le nom de Mohammed Merah, des frères Kouachi ou d’Amedy Coulibaly, qui est capable de citer le nom du terroriste qui a abattu Arnaud Beltrame ? Personne ou presque.
Le geste grandiose, guidé par l’intangibilité d’un principe, a tout emporté car cette beauté-là, que seule confère la gratuité absolue du don de soi, est écrasante. Il faut parier que ce 24 mars 2018, Arnaud Beltrame a ressuscité quelque chose de notre humanité collective ; cette évidence qui veut que pour sacrifier sa vie, il faut croire en quelque chose de plus grand que soi. En France, comme du reste ailleurs en Occident, on ne meurt plus pour des idées et encore moins pour des principes. Cela fait mauvais genre. Nous avons su devenir raisonnables, dirons-nous, c’est ainsi que l’on déguise la bassesse en grands mots.
Nous vivons au sein d’un empire libéral qui a précisément élevé la neutralité axiologique en modèle civilisationnel. Apporter la paix des mœurs par le droit et le « doux commerce », cher à Montesquieu, voilà ce qui, depuis le 18ème siècle, a construit notre individualisme contemporain. Mais le droit et le marché, cela ne fait pas beaucoup de raisons de vivre, et encore moins des raisons de mourir. Un libéral conséquent ne cherche pas le Bien, mais le « juste » et est juste ce que dit le Droit. Le Bien suppose une vision morale du monde...