Front Populaire : Dans un entretien accordé au Monde, l’historien Gérard Noiriel a fait montre d’imprécisions sur la question migratoire. Après avoir rappelé que la France avait l’un des taux d’immigration les plus forts dans le monde à la fin des années 1920, il déclare : « Dire que l’immigration est une chance pour la France n’est donc pas qu’un slogan de la “gauche morale” (...) C’est une réalité historique. » Le constat dressé est-il toujours d’actualité ? Peut-on se permettre de faire l’économie de l’analyse du type d’immigration accueillie ?

Pierre Vermeren : Il prend comme exemple les années vingt, qui correspondaient à une période très spéciale de l’histoire de France. La jeunesse française venait d’être en partie décimée, la France était déjà à l’arrêt du point de vue démographique, et les Etats-Unis venaient de fermer leurs frontières : tout cela relativise le record français d’alors.

De manière générale, l’histoire de l’immigration en France depuis la fin du Second Empire est directement liée à la démographie française, avec une population bloquée autour de 40 millions d’habitants durant la totalité de la IIIe République. Ensuite, il y a eu le baby-boom, qui se révèle être aujourd’hui un senior-boom, dans une société vieillissante grâce à l’allongement de la durée de vie. Mais il ne se survit pas à lui-même. L’apport migratoire a quant à lui été variable depuis un siècle, mais toujours croissant depuis quarante ans. L’Insee a chiffré à 19 millions de personnes vivant en France la population immigrée ou d’origine immigrée (sur trois générations). Rappelons qu’il y avait 1,15 million d’immigrés en France à la veille de 1914.

Mais qui a encouragé cette immigration ?...