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Colonisation et ingérence : un enjeu de souveraineté

L’ingérence est-elle la règle du jeu des puissances sur l’échiquier international ? La souveraineté des peuples est-elle toujours précaire ? Comment faire le bilan des impérialismes ? Examen de la boîte noire de l’histoire coloniale, avec Pierre-Yves Rougeyron et Jacques Sapir.

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F.P. : La notion d’ingérence peut prendre de multiples formes concrètes, mais disons que sous sa forme générique dans le droit international, il s’agit pour un État d’intervenir sans consentement dans les affaires d’un autre État, autrement dit de s’occuper de ce qui ne le regarde pas. Pour faire une citation de mauvais goût, tout souverainiste qui entend le mot ingérence ne doit-il pas « sortir son revolver » ?

Jacques Sapir : La question est plus complexe que cela. La charte des Nations unies affirme le primat de la souveraineté des États. Mais depuis 2005, les Nations unies reconnaissent aussi la « responsabilité de protéger ». Cela sous-entend qu’un État qui ne respecterait pas cette charge ou qui, sous l’effet d’une guerre civile, serait dans l’impossibilité de faire appliquer des mesures assurant la protection de sa population, ne serait plus vraiment un État. Introduit par la résolution n°43/131 de l’Assemblée générale de l’ONU en 1988, puis par plus de 300 résolutions du Conseil de sécurité dans une vingtaine de conflits, ce que l’on appelle le « droit d’ingérence » a été consacré par le sommet mondial des chefs d’État et de gouvernement. Le 16 septembre 2005, elle est entrée dans le cadre légal des Nations unies sous une nouvelle dénomination : « la responsabilité de protéger ». Il peut donc y avoir une décision de recours à la force, sous l’aval du Conseil de sécurité des Nations unies.

D’après le rapport remis par Kofi Annan, alors secrétaire général de l’ONU, la décision doit être motivée par la gravité de la menace, son immédiateté et les chances de succès d’une ingérence extérieure. La grande référence est ici le Rwanda. Il y avait une menace létale à très court terme. La constitution, par la force des armes, de zones de sécurité, aurait pu sauver une partie importante des victimes. La question est déjà plus ambiguë...

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