La colonisation est un projet spécifiquement européen : FAUX

Cette idée fallacieuse finit par s’imposer doucement, autant par la généralisation de l’inculture que par la montée en puissance du discours décolonial, dont l’entreprise de dénonciation systématique n’aide pas à clarifier les notions. Comme son suffixe l’indique, la colonisation désigne une action, en l’occurrence l’action de coloniser. Pour qu’il y ait projet, il faut penser l’action en amont et la planifier, ce qui suppose une idéologie : le colonialisme. En ce sens, le colonialisme est en effet un projet colonial théorisé comme tel, une « idéologie coloniale (1) ». Le colonialisme est précisément l’idéologie qui donne corps à l’impérialisme de certains États d’Europe à partir de la seconde moitié du XIXe siècle dans ce qui va s’amorcer comme une guerre d’empires (Empire britannique, Empire français, Empire allemand…). 

En ce qui concerne la France, la politique d’expansion coloniale pensée comme telle date donc bien du XIXe siècle et de la Troisième République. Elle se fait d’ailleurs au nom de l’universalisme républicain, dans le cadre d’une autoproclamée « mission de civilisation (2) ». En revanche, la colonisation française (et européenne) n’a évidemment pas attendu cette époque. Avant même la colonisation de l’Algérie qui démarre en 1830 sous Charles X, la France dispose déjà de colonies glanées sporadiquement à partir du XVIIe siècle. Avant l’« âge impérialiste (3) » propre au XIXe siècle, l’Europe a en effet colonisé des parties du Nouveau Monde à la suite des grandes découvertes. C’est d’ailleurs précisément à partir de cette époque pivot que le mouvement décolonial circonscrit son champ d’accusation. S’il est incontestable que l’Europe a joué un rôle de premier plan dans l’histoire de la colonisation, notamment dans la modernité, dire que le fait colonial est une invention européenne est une aberration. L’Histoire – avec sa grande hache, selon le mot de Georges Perec – est...