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« La préférence nationale est inhérente à l'idée de nation » : entretien avec Marcel Gauchet

Régulièrement accusé d’être un surgeon de l’épopée fasciste, le Rassemblement national ne cesse pourtant de s’imposer dans le paysage politique français. D’où une question logique : les Français sont-ils fascistes ? À l’évidence, non. Alors quoi ?

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F.P. : Emmanuel Macron a fini par admettre lui-même (contre Élisabeth Borne qui parlait du RN comme « l’héritier de Pétain (1) ») que « les millions de Français qui votent pour l’extrême droite ne sont pas des fascistes ». Quelles sont les motivations d’un électorat majoritairement populaire à voter pour le RN ?

Marcel Gauchet : Ces motivations ont-elles quoi que ce soit de mystérieux ? Elles sont parfaitement explicites dans toutes les enquêtes d’opinion. Elles sont économiques, elles sont sécuritaires, elles sont culturelles, elles sont politiques. Le sentiment d’être ignoré, voire méprisé, l’attachement, peut-être par-dessus tout, au cadre protecteur de l’État-nation dans un monde perçu comme dangereux ou hostile sont de banales et puissantes motivations que seuls ignorent ceux qui ne veulent pas savoir.

Allons un peu plus loin. Cet électorat populaire, il faut commencer par le rappeler, votait à gauche il n’y a pas si longtemps, pour sa plus grande partie. Il n’est pas absurde de se demander, par conséquent, si ce déplacement n’aurait pas quelque chose à voir avec le changement de la gauche, un changement à la fois idéologique et sociologique. C’est le cas, à mon sens. L’essentiel tient en très peu de mots : la mondialisation néolibérale, à laquelle la gauche s’est ralliée via la construction européenne, dont c’est devenu l’axe principal. Mondialisation néolibérale, cela veut dire le contournement des frontières nationales au profit d’un marché global qui marginalise le rôle des pouvoirs élus, hors de l’adaptation à ce marché global. Résultat : l’accroissement des inégalités et surtout la divergence des statuts sociaux entre ceux qui ont les atouts pour participer à ce processus global et ceux qui en subissent les effets, sous forme, en particulier dans nos pays, de transfert des activités de production vers les pays à bas coût de main-d’œuvre. Bref, la mondialisation fait des gagnants et des perdants, des perdants...

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