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L’art français de la guerre - entretien avec Laurent Henninger

« La France ne peut être la France sans la grandeur. » On connaît la formule du général de Gaulle. Cette grandeur est-elle avérée dans l’histoire militaire ? Oui, selon Laurent Henninger. L’historien militaire nous éclaire sur les lignes de force de notre rapport séculaire au conflit armé et nous alerte sur les dangers de l’inféodation aux structures supranationales, OTAN et Union européenne en tête.

/2023/06/12_artfrench


F.P. : On dit souvent – et un chauvinisme naturel pousse à le croire – que la France est une nation particulière et que son apport à l’histoire du monde est particulier. Est-ce le cas dans le domaine militaire ?

Laurent Henninger : La principale particularité de l’histoire militaire de la France, c’est que, sur le dernier millénaire, nous sommes le pays du monde qui possède à son actif le plus grand nombre de victoires ! Et ce, au contraire de ce que répandent complaisamment certaines légendes et certains lieux communs originaires d’outre-Atlantique, et qui brossent de notre pays et de son peuple le portrait d’une nation veule et lâche… Bien sûr, on peut contester un tel décompte, ne serait-ce qu’en interrogeant les critères de sélection desdites batailles. Il n’en reste pas moins qu’une logique simple et imparable nous montre que, si tel n'était pas le cas, alors la France n’existerait plus depuis longtemps et aurait été largement dépecée à travers les siècles.

Si les forces armées ont été de tout temps et pratiquement partout dans le monde des « accoucheuses d’État », la chose est encore plus nette en France que partout ailleurs, tout du moins en Occident. Les penseurs du politique l’avaient compris avant les autres, ne serait-ce qu’en rappelant le fait que l’une des principales caractéristiques de tout État était de posséder le monopole de la violence légitime (et de battre monnaie). Les historiens qui se sont penchés sur l’histoire de la France du Moyen Âge à l’époque contemporaine, en passant par les Temps modernes, n’ont fait qu’étayer cette affirmation, ne serait-ce qu’avec la notion d’« État fiscal ». Car la force d’une armée, c’est d’abord d’exister, donc de vivre, se nourrir, s’habiller, se déplacer, se soigner, s’entraîner, s’équiper, s’armer, posséder des munitions en quantité suffisante et pouvoir les renouveler, payer les soldats de façon...