F.P. : Avant de s’intéresser à ce que pensent « les jeunes » de l’Europe, ne faut-il pas s’intéresser à ce que « les jeunes » veut dire ?

Frédéric Farah : Vous avez raison. Parler des jeunes doit toujours être fait avec précaution comme pour tout objet sociologique. Les jeunes ne doivent jamais être entendus comme un groupe homogène. Plus encore, ce terme en croise d’autres comme cohortes ou générations. Bourdieu nous a mis en garde contre les généralités abusives en affirmant avec force que la jeunesse n’est qu’un mot. En écrivant ce livre, j’avais parfaitement conscience que je ne faisais pas œuvre de sociologue, c’est pourquoi je m’en suis tenu à un témoignage de ma propre expérience. Pour inscrire mon travail dans une démarche sociologique, il aurait été nécessaire d’élargir le nombre de personnes interrogées, de ne pas se contenter d’élèves de la région parisienne, de comparer des lycées de centre-ville avec des lycées de périphérie. J’ai donc effectué ce travail avec passion et modestie. Ma passion de la sociologie m’a appris à éviter les généralisations coupables du type « tous les jeunes », « tous les français, etc. ». Mon propos s’en est tenu à des élèves, des étudiants et pas encore des jeunes actifs. Le passage au monde du travail peut induire des points de vue encore différents.

F.P. : Le projet européen s’est fondé sur un appel à la jeunesse. Or, à nouveau, en 2024, ce sont les jeunes qui ont le moins voté aux élections européennes. Comment l’expliquez-vous ?

Frédéric Farah : L’un des enseignements de mon travail est de constater que les élèves, les étudiants que j’ai interrogés, montrent un certain intérêt pour l’Union européenne dès lors qu’elle offre des opportunités pratiques comme voyager sans restriction, travailler ou encore partager un mode de vie commun. Après, je ne suis pas étonné que les jeunes votants ne se...