Réflexions sur le fascisme contemporain
Crier au fascisme comme on crie au loup est une vieille rengaine. Pour autant, prenons l’hypothèse de son « retour » au sérieux, quittons le terrain moral, et voyons ce qu’il en est réellement. Si le fascisme existe toujours, où est-il ?
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À droite, on considère que la gauche mène nécessairement au fascisme depuis que le nazisme s’est revendiqué du socialisme, et plus profondément au sens où la tentation (propre à la gauche) de régenter le social aboutirait mécaniquement à une société de contrôle plus ou moins totale. À gauche, trop souvent, la moindre expression d’autorité, voire la seule référence à un bien commun dépassant les volontés individuelles, est une occasion de convoquer le vocable de l’infamie. Extrayons-nous de cette déraison avec Karl Polanyi (1) et Pier Paolo Pasolini. Le premier, économiste historien né dans l’empire austro-hongrois, en propose une théorie au début des années 1930 ; le second, essayiste aux nombreux talents dans l’Italie saisie par la société de consommation d’après-guerre, s’interroge sur les vestiges du fascisme. Leur lecture incite à penser que celui-ci a peu de chance de revenir sur le devant de l’Histoire, comme nous tenterons de le démontrer. Néanmoins, tirons un enseignement de ces auteurs : la contradiction entre capitalisme et démocratie peut être encore résolue au prix de la démocratie elle-même. Le fascisme historique ne reviendra probablement pas, mais d’autres changements inquiétants pourraient advenir, d’autant que certaines évolutions néfastes, engagées depuis des décennies, n’ont nullement inquiété les Cassandre de gauche. Au contraire, comme parti du mouvement, celui-ci a encouragé le processus dont il commence à déplorer les conséquences. À côté de la question politique de la déshérence de la démocratie, nous poserons la question anthropologique de la récurrence de l’homme nouveau. Que tout soit possible, parce que l’on pourrait changer la nature humaine comme le pensait Hitler, ou que tout soit pensable parce que la nature humaine n’existerait simplement pas, voilà qui ne laisse pas d’inquiéter.
Le fascisme historique : origines et significations
Il y a un peu moins d'un siècle, Polanyi ne fut pas le seul (on...