idéesHistoire

Ambroise Tournyol du Clos : « L'histoire a une signification qui repose bien souvent sur des fondements métaphysiques »

ENTRETIEN. Professeur agrégé d’histoire, Ambroise Tournyol du Clos travaille sur l’importance de l’héritage et de sa transmission intergénérationnelle. Après Transmettre ou disparaître (2021), il publie Rien n’échappe à l’histoire (éd. Salvator), une méditation stimulante sur l’histoire et le métier d’historien.

/2023/06/ambroise-tournyol-histoire


Front Populaire : « L’histoire, comme la vie, a un sens », écrivez-vous. Sur quoi fondez-vous cette assertion ? Ne faites-vous pas basculer l’histoire du côté de la métaphysique ?

AT: Qui s’intéresse au tragique de la condition humaine s’appuie nécessairement sur une métaphysique, à moins de postuler un matérialisme radical. Mais peut-on sérieusement refuser à l’homme sa dimension spirituelle ? L’histoire des hommes n’est pas seulement celle de leurs réalisations politiques, de leurs luttes sociales ou de leurs pratiques culturelles : sous les faits se logent des intentions psychologiques et spirituelles, des vertus ou des vices, les multiples détours de l’âme. L’historien ne peut pas faire comme si, sous le prétexte qu’elles sont invisibles, les réalités spirituelles n’existaient pas. D’ailleurs, les sources en font état et en rendent compte. Faudrait-il les neutraliser en leur appliquant les grilles de lecture d’un positivisme froid ? Ce serait se priver de la compréhension intime des événements que nous étudions.

La tentation positiviste exerce encore son prestige à l’école comme dans le champ universitaire. Dans mon manuel de Seconde, la pratique de la confession telle qu’elle se pratiquait au XIIe siècle est réduite à un moyen de contrôle social au service de l’Église. Si l’on s’en tenait au questionnement proposé, les élèves pourraient passer tout-à-fait à côté de la signification théologique de ce sacrement. N’est-ce pas pourtant la définition première de ce rituel ? La même incompréhension menace l’étude des croisades, celle de la lutte contre les hérésies et de toutes les questions religieuses qui traversent l’histoire. Ne sont-elles que des ruses politiques dans lesquelles se prennent au piège les esprits obscurcis ? Ainsi, par exemple, à propos des Cathares, abordés en classe de Seconde dans l’ancien programme : on pouvait se contenter d’évoquer les conséquences de la croisade contre ceux qu’on appelait les Albigeois et cela produisait sûrement son effet :...

Vous aimerez aussi