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Jean Jaurès, le socialisme et la République

CRITIQUE. Pacifiste militant, républicain convaincu et fervent patriote, Jean Jaurès fait office depuis plus d’un siècle de figure centrale des mythologies de gauche. Dans Les figures de proue de la gauche depuis 1789 (éd. Perrin, 2022, sous la direction de Michel Winock), l’historien Jean-Pierre Rioux revient sur la riche pensée de Jaurès, plus hétérodoxe qu’il n’y paraît.

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Indiscutablement, Jean Jaurès occupe une place centrale dans l’histoire du socialisme, en France et au-delà. Pourtant, loin des préconceptions que la laborieuse transmission de l’historiographie a pu inculquer au grand public, les diverses prises de positions et réflexions philosophiques de Jaurès reflètent une vision du monde qui détonne quelque peu des dogmes du socialisme naissant de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Connaître une figure historique et politique, c’est d’abord comprendre sa vision du monde ; tel est le postulat de départ de l’historien Jean-Pierre Rioux, qui signe l’entrée consacrée à Jaurès dans Les figures de proue de la gauche depuis 1789. En prolégomènes : « Je tente ici de signaler (…) quatre exigences qui ont habité Jaurès et dont la connaissance n’est peut-être pas inutile au XXIe siècle : garder l’intelligence en éveil ; ne pas dédaigner la question religieuse ; combattre la guerre ; unir toutes les forces unificatrices. »

Cette union des « forces unificatrices », c’est le grand rêve de Jaurès qui le suivra jusqu’aux premiers pas du rassemblement des socialistes – le Parti socialiste de France en 1901, suivie de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) en 1905 – puis jusqu’à sa mort en 1914. Tâche ardue s’il en est, car comme le remarque Jean-Pierre Rioux, « les socialistes restent chroniquement divisés et chacune de leurs sectes se soucie d’abord de promouvoir son idéal et sa méthode propres. » Ni l’évocation des grands symboles révolutionnaires ni les diagnostics de l’infrastructure du capitalisme industriel, dans ce que sa réalité a pu avoir de plus brutal, ne parviendront à unir les socialistes. C’est dans ce contexte cahoteux que l’engagement de Jaurès trouve ses racines.

La République et la patrie

Si, bien entendu, Jaurès ne se retrouve absolument pas dans le nationalisme militariste, batailleur, ce « chauvinisme...

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