Accusé Napoléon, levez-vous !
CRITIQUE. Napoléon Bonaparte a été appelé à barre du tribunal médiatique et des réseaux sociaux depuis déjà plusieurs mois. Prenant l’époque aux mots, le magistrat Philippe Courroye fait le procès de Napoléon dans son livre : Accusé Napoléon, levez-vous ! (Robert Laffont) et laisse le lecteur prononcer son propre verdict.
Allons-y jusqu’au bout, mais alors sérieusement. Voilà ce que semble annoncer la démarche du magistrat Philippe Courroye dans ce livre intéressant où il entend faire le procès littéraire de Napoléon Bonaparte. Tyran despotique ou homme d’exception ? Butor inculte ou érudit sensible ? Empire militariste ou période prospère ? Il s’agit d’ouvrir le dossier.
« Au fond, que savent véritablement des jeunes de trente ans, des adolescents de quinze, des enfants de dix, de Napoléon Bonaparte ? Peu de chose, sans doute », note le magistrat. Il aurait peut-être effectivement fallu commencer par là il y a quelques mois, lorsque chacun a cru bon de s’improviser à la fois historien et juge. Car c’est bien le travers de l’époque. Il faut conserver gravée en lettre d’or la phrase de Marc Bloch dans son Apologie pour l’histoire : « Satanique ennemi de la véritable histoire : la manie du jugement. »
Car il est d’autant plus facile de juger un personnage historique qu’on ne le connait pas, dans un élan manichéen naturel. « Après avoir occupé la place historique qui lui revenait dans les manuels de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle, Napoléon semble aujourd’hui s’être progressivement effacé, comme un cliché dont le fixateur mal stabilisé voit disparaître de l’image un personnage sépia. »
C’est comme si Napoléon était devenu un personnage encombrant. Historiquement inévitable, bien que gênant aux entournures, il est en quelque sorte l’éléphant au milieu du salon de la moraline contemporaine. Voilà pourquoi il cristallise les passions bien au-delà des habituelles – et très légitimes – querelles d’historiens.
Pour quelques très rares rues qui portent son nom – une seule à Paris -, combien d’avenue Thiers, de boulevard Gambetta, de places Jules Ferry ou Paul Bert ? La République célèbre ses grands hommes, pas ceux d’un régime impérial, pourrait-on répondre. Certes, mais s’il faut aller...