Nos communes rurales perdent leur mémoire
CONTRIBUTION / OPINION. La transmission mémorielle est un défi majeur pour la continuité de la France. Peut-être encore davantage à la campagne, où les passeurs de mémoire se font de plus en plus rares.
Le nombre et la diversité des communes rurales sont sans nul doute une richesse tant par leur dimension historique que par leur patrimoine culturel et sociologique. N’est-ce pas le moment de s’interroger si cette histoire ne risque pas de disparaître faute de témoins vivants, d’écrits ou de monographies ? On peut souligner à ce propos les efforts déployés par les services de certaines archives départementales pour rassembler et stocker des documents voire procéder à des enregistrements à caractère ethnographique.
Aussi constate-t-on que l’on dispose souvent de très peu d’indications précises et fiables à l’échelle communale. On a parfois quelques indices sur le passage des Celtes, des Romains, des germains dans l’est ou des Anglais dans l’ouest… dans ce qui devait devenir la France. Dans les siècles suivants, seules les communes qui ont eu la chance d’accueillir « un lettré » pendant quelques mois ou toute une vie possèdent des écrits et des témoignages sur l’histoire locale durant les XVII et XVIII siècles.
Avant la Révolution française, le territoire était découpé en paroisses. Chacune d’elles possédait un « terrier » faisant fonction de cadastre, ainsi qu’un « annuaire » jusqu’en 1789 environ, permettant de lister les impôts au profit du Roi, des nobles locaux et du clergé (cens, dîmes, tailles, capitations, etc.…). Ainsi on trouve sur ces documents d’échelle paroissiale tous les « feux » (foyers), noms, prénoms, profession, lieu d’habitation, nature des surfaces agricoles exploitées, etc., y compris ceux des nobles locaux, du petit clergé… et les miséreux. Notons que 80 à 90 % de l’impôt étaient supportés, à l’époque, par la population rurale. Ces inventaires très précis donnent une indication sur le nombre d’habitants, leur qualité, leur richesse patrimoniale, etc.
Vînt le temps (principalement aux XVIII et XIXe siècles) où de nombreux curés puis instituteurs ont écrit des monographies sur leur commune d’affectation et parfois de naissance. Plus...