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Gaël Nofri : « L'enjeu de Bouvines, c'était le passage d'une souveraineté revendiquée à une souveraineté effective »

ENTRETIEN. Gaël Nofri est essayiste et collaborateur régulier à des revues d’histoire. Passionné d’histoire de France, il livre avec Bouvines (éd. Passés Composés, 2024) un récit passionné sur une bataille souvent oubliée et pourtant fondamentale de notre longue histoire nationale.

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Front Populaire : Pouvez-vous nous restituer le contexte et les enjeux de Bouvines ?


Gaël Nofri : Bouvines est une bataille qui appartient pleinement à son époque.

Son contexte est celui d’une France médiévale dans laquel la royauté capétienne se trouve aux prises avec des féodaux dont les domaines, les droits et les richesses peuvent apparaître disproportionnés au regard de ce qu’est alors le petit domaine royal des capétiens. Si le roi des Francs, que l’on n’appelle pas encore roi de France, se trouve bien à la tête du royaume, il n’en demeure pas moins que son autorité effective et sa puissance réelle dépendent alors essentiellement du domaine royal. Celui-ci n’est qu’une maigre bande de terres autour de Paris, Bourges, Sens et Orléans où les rois voient leur autorité disputée par quelques petits seigneurs locaux. A côté, nombre de grands seigneurs tels les comtes de Champagne, de Blois, de Flandres, de Toulouse et plus encore les rois d’Angleterre - dont les possessions s’étendent alors de la Normandie à l’Aquitaine - peuvent prétendre tenir la dragée haute au roi. Pourtant celui-ci, dès les premiers capétiens, prétend à une position tout à fait à part dans la pyramide féodale, voir même au-delà de celle-ci : rois sacrés, oints du Seigneur, ils ne se reconnaissent vassal d’aucun. Ainsi donc les premiers capétiens donnent, en quelque sorte, une première définition de la souveraineté.


FP : Pourquoi liez-vous cette bataille à la souveraineté française ?


GN : Parce que cette prétention à la souveraineté des premiers capétiens n’est que théorique : la force du sacre et le prestige de la fonction n’ont alors que peu de rapports avec la capacité réelle des souverains. La plupart des prédécesseurs de Philippe Auguste ne sont non seulement pas en capacité de rayonner sur l’ensemble du royaume de France, mais s’aventurent aussi rarement loin de l’Ile de...

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