Front populaire : Pourquoi avoir choisi de revenir sur la période de l’Occupation allemande et quels sont les mythes que vous entendez dynamiter ?

Pierre Abou : À cause d’un assassinat, celui d’un jeune Juif mort à Birkenau en 1942, que ses proches n’ont pu élucider. Comment à vingt-deux ans pouvait-il avoir été visé par la rafle dite « des notables ? » Son statut militaire et le port de l’uniforme au moment de son arrestation n’auraient-ils pas dû lui éviter la déportation ?

Les archives militaires concernant son unité, l’hôpital du Val-de-Grâce, avaient été détruites. Mais le grain de sable dans les rouages de l’Occupant, que constituait l’internement illégal d’un militaire arrêté en uniforme, a laissé du côté allemand une trace administrative que j’ai suivie jusqu’au cœur du processus menant au crime de masse.

J’illustrerai les mythes rencontrés au cours de ma recherche par deux évènements. Le premier est le volet parisien du putsch raté contre Hitler, le 20 juillet 1944. Ses participants, pour la plupart exécutés sur ordre d’Hitler, ont pour d'autres été absous rapidement de leurs crimes, comme Rommel ou Carl-Heinrich von Stülpnagel, le commandant en chef pour la France. L’autre évènement est la Libération de Paris, de laquelle se détache la figure du général Von Choltitz, commandant du Gross Paris, qui aurait épargné à la capitale sa destruction. J’apporte un témoignage inédit qui réfute ce mythe. Dans les deux cas, beaucoup de dynamite sera encore nécessaire pour faire renoncer l’opinion à ces légendes.

FP : L’image d’Épinal, véhiculée par la Collaboration, d’officiers courtois, respectueux et cultivés a survécu après-guerre. Comment ces criminels sont-ils parvenus à se faire les représentants de la civilisation au milieu de la barbarie des SS ?

PA : Par la plume d’acteurs-clefs de l’Occupation, relayés en France par le besoin impératif de dénicher le « bon allemand » de service, nécessaire à...