Géopolitique Vladimir Poutine

Alexandre Douguine, l’icône du nouveau traditionalisme impérial russe (1)

OPINION. Depuis la mort de sa fille dans un attentat à la voiture piégée, l'idéologue russe Alexandre Douguine interroge les médias français. A l'occasion de la sortie de son livre Qui est l'extrémiste ? (éd. Intervalles), l'historien des idées Pierre-André Taguieff nous livre une riche synthèse de la pensée de cet homme réputé proche de Poutine. Première partie. 

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« L’empire est devenu notre destin. » Alexandre Douguine (2021)


Les nouveaux traditionalistes russes sont avant tout des nationalistes qui, tel Alexandre Douguine [1], dénoncent le « mondialisme » à visage américain, souvent jumelé avec le « sionisme » (toujours « mondial »), comme l’ennemi absolu. Douguine a résumé sa vision du monde et ses perspectives géopolitiques dans un entretien publié en août 2013 :

« Le sionisme est une force locale très négative au niveau de la géopolitique parce qu’il suit les ordres de Washington. (…) Je crois que le sionisme est en quelque sorte le petit Shaïtan[« diable » en arabe], alors que les États-Unis avec leur manie de vouloir contrôler le monde sont le grand Shaïtan. (…) Nous, chrétiens orthodoxes (…) et les (…) représentants de l’islam traditionnel voulons créer le front contre ce que nous appelons Antéchrist (Dajjal pour les musulmans), car nous identifions le principe du mal dans la volonté des États-Unis à vouloir créer un monde unipolaire avec l’OTAN et l’Occident comme force unique et absolue. »

Tous ces traditio-nationalistes sont des nostalgiques de la Russie impériale, et se présentent comme des défenseurs d’une identité russe qui, distincte de l’identité européenne selon eux en cours d’américanisation, est à leurs yeux inséparable du modèle de l’Empire (tsariste et soviétique) qu’ils s’efforcent de légitimer et de ressusciter. Cette identité est civilisationnelle et se confond avec l’auto-affirmation d’une grande puissance eurasiatique, face à la puissance étatsunienne et à la puissance chinoise. Ces intellectuels expressément antilibéraux qui rejettent les démocraties pluralistes occidentales et célèbrent les régimes autoritaires reprennent à leur compte nombre de concepts et de thèmes élaborés depuis les années 1920 par les idéologues de l’eurasisme [2]. Avec Douguine, les milieux traditionalistes russes ont trouvé leur principal théoricien politique doublé d’un mystique orthodoxe. En 2002, Douguine a publié à Moscou deux ouvrage significatifs : Philosophie du...

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