Ce que le film Vaincre ou mourir remet en cause et qui fait hurler la doxa
CONTRIBUTION/OPINION. Le film co-réalisé par Paul Mignot et Vincent Mottez a été la cible de nombreuses critiques plus ou moins argumentées. Derrière les considérations cinématographiques, que raconte cette polémique sur le rapport des Français à leur histoire ?
Quand la République a pu enfin s’installer à la fin du XIXe siècle, le récit de la Révolution française a vite pris une forme mythologique conventionnelle. Il en avait été de même auparavant pour la monarchie ; il en ira probablement ainsi des événements qui conduiront à la mise en place du régime qui succèdera à la République.
Les vulgarisateurs du récit républicain ont alors peint à gros traits, mais habilement, d’un côté les saints et les martyrs de la révolution créatrice d’une nouvelle ère, de l’autre, les damnés et réprouvés rejetés dans l’ancien monde, et, par-dessus tout, ils ont veillé à ce que le plus grand nombre des victimes des événements tombent dans le gouffre de l’oubli.
Cela est banal, les Romains le savaient déjà : « Væ victis » (Malheur aux vaincus !). Cette manière d’agir fut d’autant plus « normale » que cette période a enfanté dans le sang, l’enthousiasme et la fureur, une épopée agitant des foules immenses et des héros pour écrans méga-cinémascopiques du type de ceux déployés par Abel Gance pour donner une idée de ce qu’avait pu représenter Napoléon Bonaparte aux yeux de ses contemporains ; une de ces rares époques où l’Histoire semble sortir de son lit et déborde en flots terrifiants et sublimes, et qui, sous son emphase romantique, dessine le nouvel horizon politique, juridique et territorial de la France ainsi que son image renouvelée aux yeux du monde. En la portant à incandescence, elle a en particulier inventé la notion mobilisatrice de nation. Notion bien éloignée de sa signification linguistico-géographique tiède du Moyen-Âge depuis qu’elle a été investie d’un sens politique en cette fin du XVIIIe siècle. Une fin de siècle qui a mis le feu à l’Europe puis au reste du monde, et ce jusqu’en notre époque, en dépit de la dynamique des nouveaux impérialismes...