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Ce que le militantisme fait à la recherche

CRITIQUE. Sociologue au CNRS, Nathalie Heinich est spécialiste des valeurs et de l’épistémologie des sciences sociales. Avec Ce que le militantisme fait à la recherche (Tracts, Gallimard), elle interroge la prise d’assaut de l’université par l’extrême gauche et les effets délétères sur la science et le débat public.

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À en croire Nathalie Heinich (reprenant une catégorisation de Jacques Julliard), nous faisons actuellement face à la troisième « glaciation » du monde universitaire, celle de l’islamo-gauchisme (après le marxisme des années 1950 et le maoïsme des années 1970).

Un militantisme qui fleure bon l’endoctrinement et dont la sociologue voit les racines dans le courant bourdieusien de la « sociologie critique », laquelle met en avant « l’engagement ». Chacun connaît à ce propos la formule de Pierre Bourdieu selon laquelle « la sociologie est un sport de combat ».

Ce terreau fertile de la gauche radicale française déjà propice à la militantisation de la recherche a ensuite beaucoup bénéficié de l’essor du courant postmoderniste, soit la fameuse « French Theory » revisitée par les campus de littérature comparée américains, pour laquelle l’objectivité des savoirs est un mythe et qui privilégie dès lors une politique des identités particulières.

Cette soupe idéologique a proliféré dans le monde universitaire au point « d’accréditer auprès de la nouvelle génération d’étudiants – et parfois aussi, hélas, d’enseignants-chercheurs voire de responsables d’appels à projets - l’idée que l’université n’aurait d’autre mission que le « réveil » (woke) face à toutes les formes d’oppression ou de discrimination. »

Déconstruire les déconstructeurs

L’idée de Nathalie Heinich n’est pas de porter un jugement de valeur sur la légitimité politique de ces luttes, mais de montrer du doigt la néfaste « confusion des arènes », lorsqu’il s’agit de les importer dans le champ des sciences sociales. Le « militantisme académique » est et doit rester un oxymore, une contradiction dans les termes.

Déconstruire les déconstructeurs est en quelque sorte le pari de Nathalie Heinich dans ce tract engagé. Appliquer ce langage du « pouvoir » - que ces derniers voient partout – à leurs propres méthodes. Car, « ceux qui, étant payés par l’État pour produire et transmettre le savoir, utilisent ce privilège pour endoctriner les étudiants et diffuser...

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