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Dame Jeanne

CHRONIQUE. Tout au long de l'été, notre camarade Jean-Paul Pelras nous incite, avec ces chroniques champêtres, à nous replonger dans ce flot de souvenirs qui font notre identité collective. Aujourd'hui, un flacon un peu particulier...

/2021/07/Photo Dame jeanne

Autrefois nous les trouvions dans les caves et dans les remises agricoles que nous appelions en Roussillon « cortals ». Elles étaient entreposées recouvertes de paille ou nues comme un « verre » entre trois sacs de souffre et un tas de sarments vermoulus.

Les gens de la ville, qui aiment bien les choses de la campagne et tous les regrets qui vont avec, les ont récupéré pour les poser, avec un bouquet de fleurs séchées, sur la troisième marche de l’escalier. Parce que, à cet endroit et sur le coup de quatre heures, le soleil qui tombe du petit vitrail vient idéalement se refléter.

Sans plus de façon, à la maison où, encombrantes et trop fragiles, elles ne trouvaient plus leur utilité, nous appelions ces dames-jeannes des bonbonnes. Vous en croiserez quelques-unes alignées en plein soleil et remplies de vin doux naturel sur les terrasses de Banyuls et sur celles de Maury. Sachant que celle qui fut à l’origine de cette chronique me sert de vinaigrier dans le cellier du haut pays où je gîte.

La mère si trouve fort bien et, depuis des années, se développe admirablement dans les ténèbres de cet étrange récipient. Fermée avec un bouchon de liège entouré d’un vieux chiffon, la dame en question vaut mieux que toute ces poteries équipées de robinets sophistiqués qui jamais ne fonctionnent et, tout ou tard, finissent par pisser.

Pour clore ce propos, sachez que c’est à une reine prénommée Jeanne et venue de Naples en l’an 1347 que nous devons le dit flacon. Réfugiée en Provence, la suzeraine intimida un verrier qui souffla plus que de raison dans le mors de sa canne. Ainsi donc naquit la Dame Jeanne.

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