Égalité homme-femme au paléolithique : Walter Keane, un imposteur de 45 000 ans ?
OPINION. À travers la controverse sur l’origine de l’art, notre lecteur revient sur les différences entre les hommes et les femmes depuis la préhistoire, entre construction et biologie.
En 2009, un débat s’est ouvert sur l’identité réelle des artistes pariétaux du paléolithique supérieur et du néolithique. En d’autres termes, un laboratoire universitaire de Pennsylvanie s’est vu doté d’un budget pour trancher une question d’apparence triviale, mais à l’impact symbolique incommensurable : à qui doit-on les premières peintures préhistoriques ?
Vingt-trois ans après le procès des « Big Eyes » — célébrissimes tableaux dont la maternité fut finalement attribuée à l’épouse de l’auteur déclaré : le faussaire Walter Keane —, le banc des accusés voyait cette fois défiler les préhistoriens, soupçonnés d’avoir trop souvent confondu « l’Homme » avec un grand « H » de son homophone sans majuscule. Il n’était plus question d’un simple fait divers, mais bien d’un chapitre entier du roman Sapiens. Non seulement la femme pourrait avoir été la Créatrice originelle — dont la faible reconnaissance artistique postérieure s’expliquerait par une domination masculine (directe ou intégrée socialement) — mais surtout, c’est toute l’histoire officielle qui serait à réexaminer, désormais suspecte du machisme des historiens et du silence coupable (et rétroactif) des hommes des cavernes.
Mais revenons en arrière…
Dans les années 60, alors même que les vraies-fausses toiles de Walter Keane s’arrachent à prix d’or, une nouvelle génération d’archéologues vient bousculer ses anciens maîtres. On reproche à ces derniers d’avoir paresseusement calqué les rapports homme-femme des sociétés sédentarisées sur la sociologie des premiers nomades, insinuant que l’Art était de facto masculin (puisqu’exercé par les chasseurs représentant leurs propres exploits) et que les statuettes de Vénus — aux attributs sexuels exagérément proéminents — ne pouvaient qu’avoir été sculptées par leurs admirateurs. À ces déductions plus instinctives que scientifiques, il fut peu à peu rétorqué que les rares sociétés de chasseurs-cueilleurs encore existantes sur la planète (Mbendjele BaYaka du Congo, Agta des Philippines, Kung San de Namibie, Bushmen d’Afrique du Sud) fonctionnaient de manière relativement égalitaire,...