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Jean-Paul Fitoussi décortique la novlangue

RECENSION. Jean-Paul Fitoussi est économiste, professeur émérite à l’institut d’études politiques de Paris. Ancien président de l’OFCE de 1990 à 2010, il publie Comme on nous parle (2020) aux Éditions Les Liens qui Libèrent. Une réflexion stimulante sur l’emprise de la novlangue dans le débat économique contemporain.

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« J’en ai assez de ces tours de magie linguistique qui veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes. » Dans son dernier ouvrage, admirable à bien des égards, Jean-Paul Fitoussi remonte à une des sources primordiales de notre impuissance collective : le travestissement du langage. Les anciens Grecs le savaient, les époques de crise du langage sont aussi des époques de crise de la Cité, et inversement.

Le champ politique démocratique est un champ conflictuel où s’opposent des points de vue sur la gestion de la société. Dès lors, comment faire en sorte de dépolitiser au maximum le champ social et faire converger les pensées pour en limiter l’expression et ainsi aplanir les débats ? En appauvrissant le langage. Un langage complexe et nuancé permet en effet d’entretenir un rapport nuancé et complexe au réel. A l’inverse, un langage appauvri empêche l’émergence de pensées stimulantes et conduit naturellement à penser que, selon la formule consacrée, « il n’y a pas d’alternative ». Pour Jean-Paul Fitoussi : « C’est ainsi que l’on peut enfin comprendre ce que pensée unique veut dire : une œuvre de grand communicant pour imposer une marque, qui peut aussi bien être celle d’un produit intellectuel. » L’auteur rappelle par ailleurs tout ce que cette approche doit à Joseph Goebbels, ministre de la Propagande du Reich allemand.

Disons-le, la constatation de fond est plutôt alarmante : « Nous ne sommes plus très loin de cet état de choses dans nos démocraties, sans coercition, certes, mais par des méthodes de persuasion, de maîtrise des médias, de répétition (les fameux éléments de langage), de sanctions sociales qui incitent à l’autocensure. L’atmosphère de courtisanerie et l’esprit de propagande qui caractérisent certains médias témoignent bien du chemin déjà parcouru. »

Pour Fitoussi, la novlangue déploie sa puissance dans deux directions : « La première vise à nous convaincre que tout a été fait...

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