Le téléphone à cadran
CHRONIQUE. Tout au long de l'été, notre camarade Jean-Paul Pelras nous incite, avec ces chroniques champêtres, à nous replonger dans ce flot de souvenirs qui font notre identité collective. Aujourd'hui, une sonnerie qui n'est plus toute jeune...
Certains objets vous sautent au visage. Non pas parce qu’ils sont équipés d’un solide ressort mais plutôt car, en une fraction de seconde, ils vous rappellent ce temps que les moins de vingt ans …, etc…, etc.
En ce qui me concerne, je fus victime d’une vision qui m’expédia in peto du côté de l’enfance avec un téléphone de couleur grise assorti d’un cadran. Ce genre d’appareil en matière plastique succédait, souvenez-vous, à ceux fabriqués en bakélite, avant d’être eux-mêmes remplacés par une quantité de modèles que les collectionneurs ont, parait-il, bien du mal à recenser.
Pour les inconditionnels du genre, je conseillerai toutefois quelques films de Sautet où l’on voit Montand composer frénétiquement quelques numéros sur le va-et-vient interminable du disque rotatif. Pratique laborieuse avec laquelle je me suis réconcilié grâce à la remise en service d’un modèle datant de 1970 dégoté dans la buanderie familiale.
Imaginez, à ce titre, la résurrection d’une mémoire qui en était restée à quelques rares occasions. Elles-mêmes solennellement réservées aux communions qui vont avec et à quelques nouvelles exceptionnelles, pour ne pas dire dramatiques. C’est en effet sur cet appareil que ma mère apprit le décès de ma grand-mère et que, bien des années plus tard, à mon tour, j’appris celui de ceux qui furent le début de ma propre histoire.
C’est aussi, pour ainsi dire au même poste, que nous formulions nos vœux aux parents et alliés en appliquant, à tour de rôle, notre oreille contre le petit écouteur serti au bout d’un fil qui s’accrochait toujours à l’anse du vase posé sur le buffet. Etranges réminiscences, sonneries oubliées qui sonnent dans le silence de quelques pièces esseulées.