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Pierre Soulages, peintre primitif, entre matière et lumière

OPINION. Ce 26 octobre, l'artiste Pierre Soulages, grande figure de l'art contemporain français, connu pour son travail autour du noir, s'éteignait à l'âge de 102 ans. Notre abonné revient sur la manière dont ce géant l'a influencé.

/2022/10/pierre-soulages


J’ai découvert la peinture de Soulages pour la première fois dans un catalogue et là, mon regard fut fasciné par ce noir, ces lignes épaisses, ces contorsions, ce bleu outremer qui jaillit de l’obscurité lumineuse, cet ocre terreux (brou de noix) qui s’immisce comme un chemin à travers la campagne, cet orange brûlant mêlé au noir fusionnant. J’ai déjà écrit ici que j’ai appris à peindre en reproduisant de manière solitaire certaines grandes œuvres picturales des musées. Et dans le travail de Soulages, je retrouvais ce contact avec la nature primitive et provinciale, l’énergie d’un paysan du sud de la France, viticulteur qui fabrique comme un artisan ses outils. Je sentais, je devinais cette relation directe à la nature, aux matériaux, le geste, la gestuelle du dessus – et non frontale –, la toile par terre comme un champ à labourer.

Enfant, je dessinais avec de la brique ou du charbon sur la chape de béton du garage, matière qui s’effrite et renvoie aux ocres préhistoriques de Lascaux. Cette peinture de noir, éclatante de lumière, cosmos profond et infini, me touchait dans les plus intimes replis de ma mémoire d’enfant. Sur une toile immaculée, je creusais l’ivoire d’un noir avec des pinceaux trouvés et je rejoignais Soulages dans l’éclaboussement de cette lumière et je disais, aux quelques spectateurs de mes toiles, « ici, ce noir, c’est l’effet Soulages, voyez la puissance lumineuse, cette obscurité aux mille variations sur le dos noir d’un toro ou d’un fond d’une nature morte, c’est Soulages que je rejoins, force poétique qui vous emmène au-delà de votre regard, qui vous projette dans la sensibilité primitive du premier geste sur une pierre calcaire d’une grotte, mouvement premier face au monde intérieur... »

Au musée de Lyon, je ne me souviens plus de la date, je voyais...

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