Littératurecéline

Voyage au bout de la nuit : Céline, entre désenchantement et émotion

OPINION. Chef-d’œuvre incontournable du XXe siècle, le roman de Louis-Ferdinand Céline expose dans une écriture brute, familière, mais néanmoins chargée d’émotion, l’absurdité du monde et de la nature humaine.

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Ce roman paru en 1932 est un chef-d’œuvre que j’ai découvert à 18 ans, et ce fut un choc de lecture, une révélation, une force d’écriture poétique qui touchait au plus profond de mon être. Voilà un personnage Bardamu (Céline), embarqué malgré lui comme un « couillon » à la guerre et tous ces humains parlent, agissent dans ce théâtre de la vie, qui nous mène par le bout du nez où les plus forts écrasent les plus faibles, où la réalité crue n’a rien à voir avec l’idéalisme, où chaque acte se paie comptant, souvent de sa vie dans cette guerre ou dans l’existence tout simplement, à travers la maladie, la trahison, le suicide…

Surtout, c’est la nouveauté du style qui me marquait, étant habitué à lire des livres très littéraires. Là, le langage familier éclatait comme une révolte pour libérer une parole authentique. « Au commencement était l’émotion » : voilà ce que mettait en avant Céline, l’émotion, sans blabla inutile, les mots oralisés projettent leur force de vie sans filtre, en plein visage. « On est puceau de l’Horreur comme on l’est de la volupté » ; « Ce qu’on faisait à se tirer dessus comme ça, sans même se voir, n’était pas défendu… c’était même encouragé… » La réalité et à se taire, à obéir et à s’apercevoir que trop tard « la vie, cette farce à mener par tous », selon Rimbaud, on est embarqué. « Une fois qu’on y est, on y est bien. » Et le style familier, répétitif, rythmé, vous entraîne dans cette aventure d’un Bardamu où tout est question de vie ou de mort. La lucidité sur ce monde des humains est sans concession.

De l’Afrique aux États-Unis, tout n’est que veulerie, égoïsme, absurdité, mais il y a toujours un corps qui subit avec un cœur de compassion pour ses frères humains. Bardamu-Destouches...

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