economie

"Le capitalisme de l'agriculture cellulaire a sa morale de circonstance"

La Rédaction

30/09/2020

ENTRETIEN. Dans son ouvrage Steak barbare (éditions de L'Aube), Gilles Luneau livre la première analyse approfondie de l'agriculture cellulaire, une chimère qui illustre la logique d’affranchissement de l'homme vis-à-vis de la nature animée par des intérêts financiers sous couvert de moralité. (partie  2)

"Le capitalisme de l'agriculture cellulaire a sa morale de circonstance"

FP : En 1967, le sociologue Henri Mendras annonçait, dans un livre éponyme, la Fin des paysans. Pensez-vous que ce titre était prophétique des années 2000 ? Dans quelle mesure ?

Gilles Luneau : Toujours délicat de prêter des pensées à des personnes disparues. Je ne crois pas qu’Henri Mendras prophétisait ce qui arrive aujourd’hui. Il détectait dans la modernisation des campagnes la fin de la culture rurale. Il écrivait que paysan était une assignation sociologique et anthropologique alors qu’exploitant agricole (dénomination choisie par la FNSEA en 1946) était un métier. Avec le recul, 53 ans plus tard, j’ajoute qu’exploitant agricole est aussi une assignation, une assignation à une logique technique et économique où le paysan a perdu son savoir-faire et sa liberté, et avec eux sa compréhension de la nature et son dialogue fécond avec elle. Nous étions dans l’essor des Trente Glorieuses et l’innovation technique – en fait l’industrialisation de l’agriculture avec la segmentation de ses tâches - était vécue comme un progrès inéluctable et infini. Une révolution silencieuse rompant les fondamentaux de la vie rurale pour offrir aux ruraux l’égalité avec la ville. Si Mendras a bien vu la force de la logique de progrès il n’a pas analysé l’idéologie technique, scientiste, productiviste et extractiviste qui le structure. C’est, à mes yeux, ce qui nous a conduit à la situation actuelle de rupture avec les lois naturelles qu’incarne l’agriculture cellulaire.

FP : Un rapport publié en 2019 par le cabinet américain AT Kearney prévoit que les nouveaux substituts de viande végétaliens ont « le potentiel pour perturber l’industrie de la viande ». Dans quelle mesure cette affirmation est-elle fondée selon vous ?  Peut-on imaginer à quoi ressemblera le marché de la nourriture dans vingt ans ?

GL : Cette prévision s’appuie sur la modélisation du développement capitaliste. A savoir, ici, à...

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