FP : Après une envolée à partir de février 2022, le cours du rouble est redescendu pour atteindre, en automne 2023, des niveaux comparables à ceux d’avant la guerre en Ukraine, et semble aujourd’hui assez stable. Est-ce uniquement du fait de la souveraineté monétaire dont dispose Moscou – mais pas nous ?

JS : Sur le fond, je vous répondrai oui. Mais, si la souveraineté monétaire permet d’agir, elle n’implique pas nécessairement que toutes les actions soient intelligentes ou simplement rationelles.

Ce qui frappe ici, c’est l’efficacité, et l’intelligence, des mesures qui furent mises en place de la fin du mois de février 2022 à l’été 2022. Les autorités monétaires, ce qui en l’occurrence signifie à la fois la Banque centrale et le Ministère des Finances, ont mis en place des mesures quantitatives (comme l’obligation faites aux exportateurs de rapatrier immédiatement leurs gains en devises, l’obligation de payer certaines exportations en roubles, etc.) et qualitatives (la hausse du taux directeur) qui ont permis d’annuler l’effet des sanctions.

Le rouble, comme vous l’avez indiqué, est remonté rapidement, dès avril 2022, et a largement dépassé son taux de change de février 2022 : il s’est fortement apprécié. Ceci a permis à la Banque centrale de rapidement baisser son taux directeur, dont on constate qu’il avait joué un rôle non nul mais mineur dans la gestion de la crise. Ceci n’a pas été assez relevé par les observateurs. Durant la période février-mai 2022, le pouvoir monétaire a été très largement partagé entre la Banque centrale et le gouvernement, et aussi – sans doute – avec l’administration présidentielle qui a dû superviser tout cela. C’est sans doute ici que l’on voit l’importance de la souveraineté monétaire. Le fait que la Russie soit monétairement souveraine lui a permis d’agir de manière autonome dans le domaine monétaire, mais aussi –...